Pour beaucoup élevés dans les beaux quartiers, passés par le scoutisme et les grandes écoles, formés à Rome, Bruxelles ou Paris, ils se disent pourtant prêts à se mettre au service d’une «Eglise pauvre pour les pauvres», ainsi que la souhaite le nouveau pape.

«Fils de militaire», Guillaume Dupont a 27 ans, l’œil vif et bleu, la parole déliée. Comme celui de nombreux croyants de sa génération, son parcours mêle clichés versaillais et engagements sociaux, qu’il juge conformes aux préconisations du nouveau pape. Tout classiquement, sa vocation est née durant les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) de 2000, à Rome. Il avait 15 ans. «A 20 ans, c’est le caractère sacré de la messe qui a relancé ma vocation.» Depuis, «la liturgie, qui apporte du divin au monde profane» reste centrale pour le jeune prêtre.

Mais là ne s’arrête pas sa «vocation». Durant un séjour d’un an à l’île Maurice, le séminariste a découvert «le paradis et surtout l’extrême pauvreté qu’il y a derrière». «En travaillant dans une maison d’accueil pour prostituées et drogués, en donnant des cours de caté dans ces quartiers», il est allé «au plus profond de la plus grande misère» et il a aimé cela. «C’est bien d’être prêtre entre nous, c’est sans doute plus simple d’être curé dans un grand presbytère avec une machine qui tourne», admet-il. Mais son ambition n’est pas forcément de «répondre aux questions des vieilles dames de centre-ville».

Pas que des fils de bourgeois versaillais

«Ces jeunes veulent annoncer le Christ et sont capables de s’adapter à tous les environnements», assure le supérieur du séminaire de Versailles, Pascal Bonafé. Son établissement, parmi les plus dynamiques de France, accueille 40 jeunes en formation, «et pas que des fils de bourgeois versaillais», précise le prêtre. Conscient de l’image «caricaturale» donnée par la sociologie de ce riche diocèse, récemment en pointe dans la mobilisation contre le mariage pour tous, l’évêque Mgr Eric Aumonier, a pris la peine de changer le logo du diocèse. «La deuxième ville des Yvelines est Sartrouville, aime-t-il rappeler. On en avait assez d’être uniquement identifié au «château».» Le «diocèse de Versailles» est donc devenu «l’Eglise catholique en Yvelines».

Enfant du cru, Guillaume a pris goût à de nouveaux horizons et aimerait repartir «en mission». «Cela sera peut-être à nouveau l’île Maurice. Mais, selon ce que l’évêque décidera, ce peut être aussi Poissy! Il y a un travail fou à effectuer auprès des populations catholiques immigrées qui vivent dans des quartiers majoritairement musulmans.» Avant d’ajouter, songeur: «Même dans les beaux quartiers, derrière les lumières des grandes maisons bourgeoises, on ne soupçonne pas les pauvretés humaines.» Pour l’heure, encore étudiant à Rome où il achève son «mastère 2 en écritures saintes», il savoure en direct «les gestes de miséricorde, la joie et la simplicité du nouveau pape».

Style françois

«Une Eglise pauvre pour les pauvres, cela correspond à mes convictions profondes», jure aussi Antoine Roland-Gosselin, 28 ans, camarade de «promo» de Guillaume. Cet ancien étudiant en droit a «grandi au Chesnay», une ville bourgeoise jouxtant Versailles. Lui aussi assure d’un ton sérieux et posé que sa foi le porte à «aller au-delà des milieux» qu’il connaît. La preuve: il a «travaillé auprès de sans-domicile-fixe, monté une colonie de vacances pour des enfants du quartier populaire des Mureaux».

Venu de ces quartiers où les jeunes sont encore catholiques, formés et pratiquants, Antoine, apparemment soucieux de bien faire, estime qu’il lui revient de les aider à aller «vers les périphéries», comme le répète le pape à l’envie. Le diocèse a instauré une forme de «jumelage» entre paroisse bourgeoise et paroisse populaire, qui pousse à franchir les lignes.

«Au-delà d’un soutien logistique, cela crée des liens entre des populations qui sinon n’auraient aucune raison de se rencontrer», se félicite le jeune prêtre qui, au fil de ces échanges, a découvert des célébrations plus «chaleureuses». Mais comme son camarade et, précise-t-il, «comme le pape», il reste attaché à une liturgie «dans le respect de la tradition». «Cela n’empêche pas que l’on y mette un peu plus de chaleur, de simplicité dans le vocabulaire, de grands gestes d’accueil.» Le «style François» serait-il déjà en train de faire des émules?