Le 13 décembre dernier, Jean-François Mattei déposait donc une proposition de loi visant à casser définitivement toute «jurisprudence Perruche». Le gouvernement, vilipendé par l'opposition et les associations de parents handicapés, gagnait alors du temps et faisait repousser le débat en arguant du fait que, devant un tel débat de société, il valait mieux prendre son temps et ne pas légiférer à la hâte. Il promettait toutefois que le débat serait tranché avant la fin de la session parlementaire précédant la future élection présidentielle. Promesse tenue puisque, hier, gauche et droite sont arrivées à un consensus et que la proposition de loi du député de l'opposition, amendée par le gouvernement, a été adoptée à la quasi-unanimité de l'Assemblée nationale. Seuls une députée UDF, Christine Boutin – par ailleurs future candidate à la présidentielle – et un RPR ont voté contre, trois autres députés de l'opposition s'abstenant.
Aux termes des nouvelles dispositions de la loi qui devra encore être discutée et sera probablement amendée par le Sénat le 22 janvier prochain, un enfant né avec un handicap congénital ne pourra plus demander réparation du seul fait de sa naissance. Il ne pourra donc plus obtenir de lourdes indemnités pour «préjudice moral» tout comme il ne pourra pas poursuivre ses parents pour l'avoir mis au monde. Toutefois ses parents pourront toujours se retourner contre le médecin qui, suite à une «faute caractérisée», n'aurait pas décelé de handicap durant la grossesse, privant ainsi la mère de possibilité d'avorter. L'indemnité alors éventuellement perçue sera versée à l'enfant «tout au long de sa vie» après le décès de ses parents. Une disposition qui devrait au moins partiellement régler le problème de la charge de ces enfants handicapés après la mort de leurs géniteurs. Ces sommes versées ne se substitueront pas aux versements de la Sécurité sociale mais viendront en complément des allocations et prestations perçues. Ce qui signifie que les caisses de la Sécurité sociale ne pourront pas non plus attaquer les médecins pour obtenir le remboursement des sommes qu'elles auraient versées à des handicapés. Cette disposition a de quoi satisfaire le corps médical, effrayé par la hausse de ses primes d'assurance du fait de ces onéreuses poursuites de la Sécurité sociale.
La nouvelle loi ne supprime toutefois pas totalement la possibilité pour une personne handicapée de poursuivre un médecin, mais elle implique que celui-ci ait commis une «faute lourde», qui aurait directement provoqué le handicap, l'aurait aggravé ou aurait empêché de l'atténuer, a précisé la ministre de l'Emploi et de la solidarité, Elizabeth Guigou. C'est cette disposition qui pourrait encore être réécrite par le Sénat le 22 janvier prochain. La loi, enfin, prévoit la création d'un Observatoire de l'accueil et de l'intégration des personnes handicapées, bien nécessaire pour répondre aux carences de la société française en ce domaine.