Capitale romantique
Capitale de la finance et mégahub aéroportuaire, Francfort doit pourtant sa réputation à de tout autres transports. Historiquement, la ville est née de la folie amoureuse d’un héros de la littérature. Entre tempête et passion, le romantisme allemand voit ici le jour sous la plume de Johann Wolfgang von Gœthe. L’auteur y publie en 1774 Les souffrances du jeune Werther, son roman de jeunesse. En moins de deux l’œuvre cartonne. Elle devient ce qu’on appellerait aujourd’hui un best-seller, un phénomène de mode. Hommes et femmes imitent les tenues vestimentaires des héros du livre. Mais ce sera le suicide de Werther qui marquera toute une génération allemande.
Né en 1749 au sein d’une famille aisée, l’auteur anobli quittera vite Francfort, qu’il considère trop provinciale. Dès 1850, sa maison natale à colombages devient le Musée Goethe. Aujourd’hui, il est possible de visiter une copie de la demeure détruite par les bombardements de 1944. Elle reproduit la décoration et le quotidien de l’écrivain. D’une des fenêtres, se distingue le ballet incessant des grues. Le gouvernement cherche à reconstruire de nouvelles maisons typiques pour retrouver le cachet perdu du centre-ville.
Foire permanente
Depuis Goethe, la quête romantique s’est modernisée et se monnaie dans les étages des maisons closes qui bordent la gare centrale. Celles-ci se sont développées après 1945 avec l’installation d’une caserne de soldats américains. Les racoleuses comptaient aussi sur les 400 fourreurs voisins. L’une de ces maisons possède six étages et 180 chambres qui se louent à la journée. Entre la Moselstrasse et la Kaiserstrasse, cet obscur objet du désir se décline selon les goûts: latinos, slaves, asiatiques et transsexuels se cachent derrière de lourds rideaux, quand ils ne rechargent pas leur batterie au Yok Yok, une échoppe contiguë qui affiche 200 marques de bières. La clientèle? En plus des locaux, les nombreux visiteurs des salons, comme celui de la boucherie ou de l’automobile, font tourner le commerce.
Depuis le Moyen Age, Francfort se définit comme une ville de foires. On doit cette fièvre acheteuse à Frederik II qui, en 1240, accorda des lettres de protection à tous ceux qui fréquenteraient l’un de ces marchés, tantôt du livre, tantôt des étoffes ou des épices. La ville recense actuellement une quarantaine de manifestations similaires dont celle du printemps qui a traversé les siècles.
Ville de musées
L’esprit «multikulti», qui réunit kebabs et chicken massala dans le quartier de la gare, cède pourtant le pas à l’invasion des traders qui se sustentent à coup de smoothies et de sandwichs au pastrami. Les appartements se désossent donnant le jour à des lofts hors de prix. Cette ville de béton s’entoure de près de 4 kilomètres d’une zone de verdure. On parcourt ces places, jardins et parcs à vélo. Vingt-six musées s’enfilent comme les perles d’un collier au bord du fleuve Main ou à proximité. La municipalité a intelligemment acheté une dizaine de maisons menacées de destruction au moment des spéculations immobilières pour les transformer en institution publique.
Entre une exposition au Musée allemand de l’architecture, une représentation de l’incontournable Forsythe Company au Bockenheimer Depot – pour les amateurs de danse contemporaine –, une visite au Palmengarten, le jardin botanique fondé en 1868, et un concert à l’Opéra de Francfort, qui occupe l’un des premiers rangs parmi les scènes lyriques internationales, la ville assied la renommée de son paysage artistique et culturel. Un peu plus au nord, la «Tortenstück» (part de gâteau) ainsi surnommé à cause de son plan triangulaire, clôt la visite. Dessiné en 1987 par l’architecte autrichien Hans Hollein, figure majeure du postmodernisme, le Museum für Moderne Kunst accroche des œuvres d’artistes tels Kader Attia, Roy Lichtenstein, Andy Warhol ou encore Joseph Beuys.
L’heure du cidre
On déambulera sur les rives arborées de la rivière, transformées durant l’été en zone balnéaire. Assis sur un transat, le lève-tôt souffle sur son café tout en effeuillant les pages de son journal tandis qu’au loin se précise l’écho enthousiaste de rameurs qui, d’un rythme saccadé mais précis, glisseront sous les 18 ponts de la ville. En automne, la petite brume agrémente à merveille cette atmosphère oxfordienne. A midi, une autre faune occupe les longues tables de l’Atschel, l’un des restaurants les plus traditionnels de la ville. L’heure du cidre a sonné. On l’appelle l’Äppelwoi. La boisson aigre, préalablement coupée à l’eau gazeuse, s’accompagne d’une saucisse noyée dans une sauce aux sept herbes, une spécialité locale, tout simplement baptisée la Grüne Sauce.
Y aller
Huit vols par jour, opérés par Lufthansa en code-share avec SWISS, desservent Francfort au départ de Genève. A partir de 248.95 CHF l’aller-retour.
Y dormir
Très bien situé à côté du parc d’exposition et de la gare, le Mövenpick Hotel Frankfurt City fête ses dix ans. On profite des 130 m2 de l’espace de remise en forme situé au dernier étage et de sa vue panoramique. Les soirs, happy hour de 17h à 20h au bar. www.movenpick.com/Francfort
Y manger
Atschel, restaurant où on vous sert du cidre dans un cadre typique accompagné par toutce que la gastronomie allemande promet de roboratif. www.atschel-frankfurt.de