Boca, plaisir grand ouvert

Retenez bien ces deux chiffres: 8 et 33. Huit, c’est, en dixièmes de millimètre, l’épaisseur à laquelle il faut trancher un pata negra pour qu’il donne le meilleur de lui-même – en Espagne, on dit que c’est la taille parfaite «pour parvenir à voir Dieu dans le jambon». Trente-trois, c’est, en pour cent, l’équilibre traditionnel des cépages dans la méthode champenoise: un Champagne, c’est, en théorie, un tiers de pinot noir, un tiers de pinot meunier et un tiers de chardonnay.

Mélangez ces deux notions, et vous verrez apparaître un nom: Boca. C’est un diminutif de bocata («sandwich» en espagnol), et c’est surtout un endroit qui, depuis juin dernier, fait voltiger les goûts sur le plateau de Champel, à Genève, juste au-dessus de la halte du CEVA. Fondateur du lieu avec Eric, son associé, Pierre Secretan (à qui on a dû L’Epicentre, une des tables les plus inventives de la ville), en explique la philosophie première: «Nous avions envie de montrer que des produits dits gastronomiques pouvaient être présentés de manière simple et dans un espace décontracté.»

Dans ce qui s’apparente tout à la fois à une sandwicherie et à un caveau de dégustation joliment historiés par Tina Schwizgebel et accompagnés d’une terrasse parfaitement kid friendly, les produits mis en évidence sont, on l’aura compris, les variations espagnoles sur le porc et celles, champenoises, sur le raisin. Mais on a ici des éléments qui sont mis en évidence avec une belle recherche de pureté: le jambon (serrano, ibérico ou pata negra) est serti dans un pain volontairement neutre, qui laisse la viande vous attraper – mais que l’on peut agrémenter de pousses d’épinard, ou de tomates séchées importées de Kea, la plus occidentale des Cyclades. On notera que des versions végétariennes, ou d’autres à base de sardines, sont également disponibles.

Venons-en aux Champagnes (que l’on peut d’ailleurs acheter à l’emporter). Inutile d’espérer trouver à Boca de grandes bouteilles clinquantes. Ce qui passionne Eric et Pierre, c’est ce qu’ils appellent le «Champagne de vigneron» – c’est-à-dire des flacons de petits producteurs bios locaux (André Beaufort à Ambonnay, ou Françoise Bedel à Crouttes-sur-Marne) qui savent jouer les cartes de l’authentique et du surprenant. Ils le font avec brio.

Boca. Plateau-de-Champel 32, Genève. Ouvert 7/7, de 10h à 22h. www.boca.ch

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