Un jour, une idée
C’est un petit local sans prétention, presque caché, où découvrir une cuisine poétique, quelques vins nature. Ou le miracle de la simplicité
Il a quitté l’hôtellerie après avoir dirigé notamment l’Hôtel Cailler, à Charmey, pour revenir à sa passion de toujours pour la gastronomie. On l’a connu tour à tour importateur de vins naturels et organisateur de formidables pop-up; Jean-Marc Dedeyne nous revient avec une nouvelle enseigne du centre historique de Bulle, derrière le château, presque cachée, façade un peu en retrait. Son nom? Com’Ça. Un nom qui va bien à cette période d’incertitudes et de pandémie, signe aussi qu’il entend faire les choses à sa manière.
Dans cette ancienne sellerie réaménagée pour accueillir un temps des ateliers culinaires, avec parquet et décor boisé, et dotée de recoins secrets où glisser 20 couverts à tout casser, la cuisine est entièrement ouverte.
Ce qui en sort? Une mini-raviole, farce de cochon fermier et parfums corsés, exquise. Une petite merveille d’architecture gourmande autour du céleri, pavé fondant évoquant un cœur d’artichaut, crumble de pain grillé, câpres de Pantelleria et cédrat, le tout escorté d’un sabayon estragon pour la gourmandise. Autre entrée bouleversante: le brochet cuit dans son bouillon de navets façon dashi, masqué par un radis red meat rose vif, taillé à cru en dentelles semblables à des pétales de rose…
Il faut suivre Jean-Marc Dedeyne pour son art d’associer et de révéler réciproquement le velours d’un vin, la sensualité d’un plat: le pinot blanc du domaine Mermoud, à Lully, pour rehausser les notes d’agrumes et de pain grillé de l’entrée végétale; un pétillant naturel du Piémont pour faire ressortir l’umami du dashi. Là-dessus, le bœuf des alpages voisins joue sur l’amertume avec ses garnitures de chicorée, oignon confit, panisse et jus à l’ail noir – l’amer qui fouette et qui dévoile, rend plus gourmand encore son opposé.
Rien n’est figé, cela dit, tout évolue. Le plat de viande a par exemple été redessiné le lendemain pour y ajouter une touche supplémentaire, une émotion, une double texture: rien n’est écrit, ni immuable, Jean-Marc Dedeyne parle volontiers d’une «cuisine en mouvement». Le menu (à prix imbattable) est ainsi évolutif et l’offre entièrement revue chaque quinzaine.
C’est aussi qu’il travaille en direct avec ses producteurs, bios pour l’essentiel, locaux, tous de remarquables artisans, du maraîcher Urs Gfeller au pêcheur de Clarens Henri-Daniel Champier; les bêtes sont achetées entières et en carcasse; tout est fait maison sauf le pain, exceptionnel, qu’on doit à Antoine Junod. Tous sont cités sur le menu, en bas de page. Une manière de travailler et d’être, une éthique. Il y a là enfin une intelligence du produit, un souffle, une inspiration légère, poétique. Le miracle de la simplicité.
Com’Ça, rue de Gruyères 41, Bulle (FR), tél. 026 912 55 14, ma-sa midi et soir. Retrouvez tous les articles de la rubrique «Un jour, une idée».