Manger aux Pâquis, visite guidée
La gastronomie
En pleine mutation, le quartier chaud de la Cité de Calvin revient en force en matière d’éclectisme et de métissage culinaires

C’est l’histoire d’une ville qui s’efforce d’accrocher le wagon du mouvement culinaire ambiant. C’est l’histoire d’un eldorado qui, pris d’assaut par des restaurateurs ambitieux, cherche à parfaire sa réputation. C’est l’histoire d’une clientèle de voyageurs exigeants dont le pouvoir d’achat sans limites permet de dépenser sans compter. C’est l’histoire d’une masse salariale élevée, de coûts de marchandise et de loyers bien trop onéreux pour subsister. Pour toutes ces raisons, c’est la récente histoire d’une redistribution des cartes géographiques où les quartiers d’antan ont perdu leur souveraineté au profit d’ambiances plus populaires mais drôlement plus vivantes et excitantes.
Les Pâquis n’échappent pas à cette tendance! Derrière les façades rutilantes des hôtels de luxe bordant les rives du Léman, le quartier est une vraie mine d’or pour tous les amateurs de diversité gastronomique. Au fil du temps, ce périmètre se taille une solide réputation en mariant une cuisine du monde colorée, des institutions de grande qualité et des petits nouveaux décomplexés. Que ce soient une fondue au champagne, un ceviche, des cacio e peppe ou du tofu frit baignant dans un dashi, bienvenue dans «une contrée» pittoresque aux arômes parfumés.
Nagomi
Le restaurant Nagomi est depuis longtemps une référence en matière de cuisine nippone. Récemment récompensé par la note de 14 au GaultMillau, Masahiko Numabukuro est toujours fidèle au poste derrière son comptoir. Il prépare avec les mêmes dextérité, concentration et fidélité les sélections de sushis et sashimis. Dans son restaurant de la taille d’un mouchoir de poche, on se croirait presque à Tokyo. La maîtrise du poisson cru n’est pas la seule corde à son arc. Après s’être délecté d’une bière rafraîchissante Asahi, un seul mot d’ordre: Omakase. Cette simple terminologie japonaise laisse au chef la liberté de décider en fonction de son inspiration.
Tout commence par un dashi rehaussé de saveur umami et son morceau de tofu pané. Les tempuras, préparés par le fils du patron Kenta Numabukuro dans le restaurant voisin ouvert récemment, sont une évidence. Comment choisir entre les seiches à la pâte d’oursin et le thon cru à la sauce miso? Des plats aussi incontournables que la peau de saumon grillée et le flan d’œuf. Puis inutile de résister, il faut se laisser tenter par un assortiment de sushis accompagnés d’un verre de saké glacé.
Rue de Zurich 47, 1201 Genève, tél. 022 732 38 28.
Soï Canteen
Aller chez Soï Canteen (littéralement: «cantine de rue») c’est un peu comme un voyage express dans les rues grouillantes de Bangkok, sans être à l’extérieur debout dans une échoppe! Car ici, c’est assis et à l’intérieur que ça se passe. Avec des illustrations murales bleues et rouges de l’artiste Christoffer Ellegaard, l’ambiance cantine décalée détonne. Ici pas de pad thaï, mais une culture de la street food! Les grillades sont à l’honneur avec les ailes de poulet croustillantes sauce aigre-douce, le porc mariné au rhum thaï ou la saucisse faite maison aux herbes aromatiques et curcuma. Attention! Les salades ne sont pas en reste, avec le Yam Wun Sen, vermicelles de soja, crevettes, feuilles de céleri, coriandre et cacahuètes grillées. Les soupes sont également de la partie avec Tom Kha Kai, une réconfortante potion composée d’un bouillon de volaille, lait de coco, poulet, citronnelle, galanga et piments.
Rue du Prieuré 6, 1202 Genève, tél. 022 547 19 20.
Kampai
Dirigé d’une main de maître par la prêtresse péruvienne Cecilia Zapata, le Kampai fait partie intégrante de ce nouveau paysage culinaire. Ici, c’est la fusion de la cuisine péruvienne et des traditions gastronomiques nippones. Dans un décor surprenant où le gris et le noir s’entremêlent autour du portrait géant d’un Inca, signé de l’artiste Steve Dunand, c’est avec un pisco sour aux fruits de la passion que les festivités nikkei peuvent commencer. Situé à l’étage inférieur du restaurant, le Purple Bar propose d’autres cocktails à base d’eau-de-vie de vin qui font la gloire des Péruviens. Avec une carte séduisante et variée, difficile de ne pas succomber au ceviche nippon, où la dorade prend un sérieux coup de fouet grâce au fameux lait de tigre version japonaise avec citron vert, patate douce et quelques edamames. La cuisine caliente n’est pas laissée pour compte avec son poulpe grillé au chimichurri de champignon et piment péruviens ainsi que son filet de bœuf mariné au soja servi encore fumant.
Rue de Monthoux 25, 1201 Genève, tél. 022 900 18 96.
Bistrot du Bœuf Rouge
Institution genevoise aux mains de la famille Farina depuis plus de trente ans, le Bistrot du Bœuf Rouge continue d’exister au gré des nouveautés culinaires. D’ailleurs, les classiques qui ont fait sa renommée lui vont plutôt bien. Dans ce restaurant au décor Belle Epoque, la gourmandise et la générosité sont fondamentales. Avec une carte des vins actuelle et bien élaborée, quelques beaux flacons peuvent être aisément dégustés. Au programme des réjouissances, le parfait de foie de volaille aux pistaches est un merveilleux instant gourmand. Impossible de résister à la meilleure quenelle de brochet sauce Nantua de la ville. Côté viande, laissons-nous séduire par un magnifique chateaubriand, servi sur plateau devant les clients, accompagné d’un panaché de légumes, gratin dauphinois et sauce béarnaise.
Rue Dr Alfred-Vincent 17, 1201 Genève, tél. 022 732 75 37.
El Catrin
Ambiance colorée dans cette taqueria mexicaine où l’on commence par se désaltérer avec une margarita ou un mezcal artisanal tout en plongeant des totopos croquants dans un guacamole légèrement relevé. Pas de sombrero à l’horizon mais des tacos, des tortas et encore des tostadas à n’en plus finir. Les tortillas sont faites maison ainsi que le trio de quesadillas croustillantes au fromage fondu accompagnées de laitue, crème acidulée et sauce au piment. Tandis que les tacos de porc effiloché mariné aux épices mayas sont un must, le filet de poisson frit dans une pâte croustillante, avec chou rouge et sauce crémeuse au chipotle est une belle alternative de la mer. Une note sucrée s’impose avec le gâteau de maïs doux et sa crème anglaise en version mexicaine relevée d’une pointe d’alcool.
Rue de Richemont 7, 1202 Genève, tél. 076 770 15 54.
La Buvette des Bains des Pâquis
Emblème genevois au bord du lac, la Buvette des Bains des Pâquis n’est plus à présenter tant elle fait partie du paysage local. Pas de nappe blanche ni de nœud papillon aux environs, le restaurant est depuis toujours en libre-service et c’est tant mieux. Du petit-déjeuner au lunch en passant par le dîner, on pourrait passer la journée à se faire dorloter. Et pourquoi ne pas commencer par une tartine ou un bircher muesli, enchaîner avec une salade grecque, un saumon fumé ou des huîtres et terminer par l’incontournable fondue au crémant de Dardagny (pour rester local) et une assiette de viande séchée. A des prix tout doux, le tour est joué!
Quai du Mont-Blanc 30, 1200 Genève, tél. 022 738 16 16.
L’Aparté
Avec une étoile récemment décernée par le Guide Michelin, le chef Armel Bedouet poursuit son chemin en toute discrétion dans son écrin niché à l’abri des regards au cœur de l’Hôtel Royal. Ce restaurant d’une quinzaine de couverts a conquis le cœur des gourmets aguerris. Subtile, généreuse et moderne, la cuisine de ce Breton d’origine ne laisse pas indifférent. Proche de ses clients, Armel Bedouet a la particularité de venir lui-même leur présenter et leur expliquer ses plats. Le chef prend le chemin du printemps avec les grenouilles de Vallorbe, accompagnées de céleri-rave rôti, de carottes gingembre et de condiment ail noir. Avec le saint-pierre en cuisson lente, ce sont toutes les origines bretonnes du chef qui ressortent avant de se délecter d’un baba au rhum verveine et sa marmelade citron.
Rue de Lausanne 43, 1201 Genève, tél. 022 906 14 60.
El Faro
Comment parler des Pâquis sans évoquer l’indétrônable restaurant espagnol de la rue de Fribourg tenu par la famille Moro depuis deux générations. Un décor sobre et des nappes blanches apportent au lieu une touche traditionnelle. Toute l’Espagne y est mise à l’honneur. Il y a bien sûr le jambon fondant ibérique, les morceaux de pain frottés à l’ail et aux tomates ainsi que la merveilleuse tortilla bien baveuse. Mais c’est le bar de ligne au gros sel qui attise toutes les convoitises. Découpé en salle comme il se doit, il est arrosé d’un filet d’huile d’olive, quelques gouttes de citron et parsemé de grains de sel. Et pour pousser la gourmandise à son paroxysme, pourquoi ne pas accompagner le délicat poisson avec une paella végétarienne. Olé!
Rue de Fribourg 5, 1201 Genève, tél. 022 732 21 98.
Ciro Trattoria Gourmet
Dans sa Trattoria Gourmet, le chef Ciro Ascione continue de régaler ses convives à coups de mets travaillés et de pasta al dente. Sa cuisine est une savante combinaison de traditionnel et de moderne. Ni trop peu de l’un, ni trop peu de l’autre… on succombe rapidement. Les intitulés sont alléchants comme le ris de veau, courgettes et parmesan, les anchois et la stracciatella di burrata, oranges et persil ou les calamaretti, aubergines et tomates. Côté pâtes, ce sont les fusillis napolitains et ses aubergines siciliennes et ricotta qui remportent la palme ex aequo avec les fameuses tagliatelles au pesto alla Genovese. Avec une approche de la gastronomie transalpine décomplexée, Ciro donne une leçon de cuisine au talent brut.
Rue de Berne 61, 1201 Genève, tél. 078 694 51 94.