Une longue ruelle au nom prédestiné qui se glisse sur le flanc de l’Hôpital; à mi-chemin de la rue de la Ferme, tiens, une nouvelle enseigne fraîchement repeinte aux couleurs des îles grecques. Une crèmerie? Oui quoique pas tout à fait comme les autres…

Ouverte au tournant de la nouvelle année, elle propose une gamme a priori familière: un crémeux à la texture moelleuse, mi-faisselle mi-ricotta, évoquant certains fromages frais de chèvre, de petites boules apéritives rehaussées de poivre ou d’épices, à l’ail et aux fines herbes, voire d’autres pâtes plus fermes et corsées. Ils ont l’aspect, la couleur, l’odeur et la saveur de vrais fromages. Un mirage: ce ne sont que des «faux-mages»… Ou «des affinés». La première crèmerie végane de Suisse vient d’ouvrir à Genève, grâce à un financement participatif lancé en mars de l’année dernière.

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Une production «artisanale, biologique, éthique»

A l’origine du projet, un trio genevois issu des milieux artistiques. Malena Azzam, son père Soheil Azzam et son ami Mourad Cheraït se sont lancés dans la fabrication de «fromages végétaux», l’objectif étant de développer une production «artisanale, biologique, éthique, adaptée au régime végétalien». Si Malena est végane et militante antispéciste, son père a été, pour sa part, motivé par des problèmes de santé: souffrant d’une maladie auto-immune, il s’est résolu ces dernières années à bannir les laitages et le gluten de son alimentation. Végétarien mais pas moins épicurien, le fromage lui manque. Et ses succédanés industriels sont franchement décevants…

Nous sommes déjà en rupture de stock, se réjouit Mourad: la demande est incroyable, de la part de commerçants, restaurateurs, consommateurs du Jura ou du Valais, de France, d’Italie ou de Belgique

La cuisine familiale est dès lors le théâtre de nombreuses expérimentations. «J’ai commencé avec des amandes, mais le résultat n’était pas satisfaisant… Suivent les noix de cajou, que Soheil tente d’apprivoiser selon différentes modalités: mixées avec du sel, de l’eau, du citron, fermentées plus ou moins longtemps, etc.

Les premiers dégustateurs sont conquis par le moelleux, la légèreté, un délicieux petit je-ne-sais-quoi de ces premiers «faux-mages». La gamme s’élargit: des versions végétales des pâtes persillées bleues, de la féta, de la mozzarella ou encore de la raclette suivent, au total une bonne dizaine de ces spécialités devraient garnir les étals pour l’inauguration officielle, prévue fin janvier. «Nous sommes déjà en rupture de stock, se réjouit Mourad: la demande est incroyable, de la part de commerçants, restaurateurs, consommateurs du Jura ou du Valais, de France, d’Italie ou de Belgique…»

Des noms en forme de clins d’œil

A la montée des allergies s’ajoute le nombre croissant des véganes: le marché serait en plein boom, c’est le pari de nos trois entrepreneurs. Du point de vue juridique, ces produits n’ont pas droit à l’appellation de «fromage». La législation suisse est très claire, stipulant que «le fromage est un produit obtenu à partir du lait, qui a été séparé du petit-lait par l’action de la présure, d’autres agents coagulants ou procédés». Elle précise en outre qu’il doit s’agit de lait de mammifères, excluant les préparations à base d’oléagineux, de céréales, de soja, etc.

Du coup, le trio a choisi de parler d’«affinés», baptisant ses créations de noms en forme de clins d’œil, tels le Coupable (pâte dure à couper), le Suspect ou le Bleu de Bleu…


Crémerie Végane, 9, rue de la Ferme à Genève