Marie-Lou Veillon a fondé l’entreprise avec son partenaire en 2016. Leurs jobs, prenants, leur laissaient peu de temps pour les courses et la passion de Marie-Lou pour la cuisine. «On côtoyait des expatriés qui avaient utilisé les repas en kit à l’étranger. Comme il n’existait pas de services de ce genre à Genève, on a eu envie de se lancer.»
Le principe: chaque mardi soir, les abonnés de BeyondFood reçoivent, livrés à vélo, une boîte qui contient des ingrédients de saison dans les bonnes quantités pour cuisiner trois repas avec des fiches recettes. Le prix? Quarante francs par semaine pour une personne si les plats sont végétariens, 49 s’ils contiennent de la viande ou du poisson. La société livre 350 repas par semaine, soit environ 75 clients.
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Ni cuisine traditionnelle ni repas prêt-à-manger. Pourquoi se tourner vers une telle offre? «Ça m’a plu parce que je déteste faire les courses et qu’il n’y a pas de gaspillage, on prépare les proportions exactes, explique Sébastien. J’ai toujours cuisiné, mais je ne sais jamais quelles quantités acheter et mes plats manquaient de fantaisie, ceux que je cuisine maintenant ressemblent à ce qu’on peut voir sur Pinterest!»
Pour apprendre à cuisiner, aussi
Martin, 29 ans, business analyst, partage avec Sébastien le sentiment que les courses sont une perte de temps. Mais pour lui, BeyondFood représentait aussi une découverte: «Je ne savais pas du tout cuisiner il y a deux ans, c’était une façon d’apprendre.» Diminuer son impact écologique compte aussi: «Sur trois repas, je suis sûr de manger correctement. Je vois de plus en plus la consommation comme une façon de voter.»
Un des éléments qui ont changé notre rapport à la nourriture et provoqué de l’intérêt pour ces offres, c’est la fraude à la viande de cheval en 2013, estime Jean-Pierre Poulain, sociologue, professeur à l’Université de Toulouse-Jean-Jaurès et chargé de la chaire Food Studies de la Taylor’s University, à Kuala Lumpur, en Malaisie. «Les consommateurs se sont sentis floués, c’était un choc symbolique d’avoir mangé sans le savoir du cheval à la place du bœuf.»
Une remise en question de la nourriture industrielle, donc. «Auparavant, on se contentait de plats tout préparés. Les repas en kit montrent un renouveau dans le désir de cuisiner», juge Jean-Pierre Poulain. «Ils ont aussi la faculté de régler une contradiction; l’envie de faire à manger pour garder le contrôle et parce que c’est valorisant, et le rejet des contraintes que ça implique: faire les courses, préparer, créer des déchets.»
La loi du moindre effort?
Mais cuisiner en étant «assisté», n’est-ce pas prôner le moindre effort? «C’est sûr que je suis une recette alors que je sais cuisiner, comme je mets parfois Google Maps pour me déplacer alors que je pourrais faire sans, répond Sébastien. Mais ça simplifie la vie.» Pour Marie-Lou Veillon, les repas en kit incarnent une «démocratisation totale de la cuisine»: «Beaucoup de gens n’osent pas s’y mettre de peur de rater leur repas, et que ce soit du temps et de la nourriture perdus. Là, ils voient que c’est à la portée de tous.»
Le concept a de l’avenir, notamment avec les personnes âgées, croit Jean-Pierre Poulain: «Quand elles peinent à sortir, elles se font souvent livrer des plats. Les repas en kit pourraient être un entre-deux qui permet de rester actif, et l’on peut imaginer une offre qui évolue selon les capacités. Nous nous situons dans un nouvel univers alimentaire, qui reste à explorer, entre le produit brut et le produit fini.»