Festival
Pour la quatrième fois, Jakob Graf invite sur gazon frais des musiques inattendues. De la diva malienne Oumou Sangaré aux chansonniers bernois de Stiller Has, revue des troupes décomplexées

«Cette liberté, je la vis comme une responsabilité.» A quelques heures du premier concert qu’il organise sur la Scène Ella Fitzgerald, Jakob Graf évoque son métier de programmateur musical, les sueurs froides face à des paris risqués. Pour la quatrième fois, ce natif du Entlebuch lucernois, où il invitait à 14 ans ses premiers groupes de rock, rassemblera orchestres africains, baladins celtiques et électronique latine sur la pelouse du parc La Grange à Genève pour ce qui pourrait bien être l’affiche la plus saisissante de l’été.
Lire le monde en privilégiant l’expérience villageoise
Né en 1980, citoyen genevois depuis presque 20 ans, Graf a tout fait dans la musique: il a joué de la guitare, il a servi de manager au rappeur Jonas, à Imperial Tiger Orchestra, à Mama Rosin avec lesquels il a traversé les clubs de l’Europe entière, il a aussi œuvré pour la production de la RTS et, depuis plusieurs mois, il invite à Genève les musiques de villes du monde, dans la série «Night in» qui l’a déjà mené de Kinshasa à Nashville, de Valparaiso à Lagos.
Le trait commun entre ces expériences? Se mettre au service des musiques qu’on n’écoute pas assez. Lire le monde sans les lunettes déformantes du post-colonialisme, de la world music et de l’exotique à tout prix. De fait, la Scène Ella Fitzgerald est pour lui un terrain d’expérimentation idéal où il parvient chaques mercredi et vendredi à suivre à la lettre ses propres obsessions (L’Amérique des outsiders, les nouveaux rythmes des mégalopoles du Sud, par exemple), tout en privilégiant l’expérience presque villageoise du parc La Grange, avec ses pique-niques et la curiosité joyeuse des milliers de spectateurs qui s’y rendent gratuitement.
Déjouer les stéréotypes
«Chaque année, j’essaie de sortir de ma zone de confort. Je ne cherche pas à me faire plaisir à tout prix. J’aimerais déplacer le regard, montrer qu’un chanteur suisse alémanique peut offrir une expérience plus exotique pour un Genevois qu’une diva malienne.» Il invite donc autant la reine du Wassoulou, Oumou Sangaré, dont le dernier album est une expérience métisse par excellence, que le groupe Stiller Has, une institution en Suisse alémanique, qui chante en bernois le monde tel qu’il le voit.
Déjouer les stéréotypes, c’est le leitmotiv de cette série, face aux deux autres programmations classique et jazz de la Ville de Genève pendant l’été. «On se croise volontiers, il y aura du Bartók sur la scène Ella Fitzgerald et on programme sur la scène jazz de la cour de l’Hôtel de Ville le Trio Da Kali, un ensemble mandingue.» On découvrira d’énormes productions, comme le spectacle du rappeur portoricain Residente, mais aussi des expériences intimes comme le duo d’ouverture, ce mercredi, celui de Justin Townes Earle, fils de Nashville et du swing texan. Le monde selon Graf sonne décidément très bien.
Musiques en été. Scène Ella Fitzgerald, parc La Grange, Genève. Du 5 juillet au 18 août.