Etrange accueil, dans le sens où il n’est que sourires et prévenance. Les sacs sont fouillés avec délicatesse et des bénévoles (appelés serviteurs), 20 ans de moyenne d’âge, tous vêtus d’un tee-shirt mauve, tendent des sacs de toile dans lesquels on trouve aussi bien le programme qu’une paire de lunettes de soleil «All you need is God» ou un bracelet fluo, sorte de déclinaison futuriste du chapelet. Bienvenue à Sainte-Blandine, dans le second arrondissement de Lyon, «église la plus cool de France», nous dit-on.

80 personnes aux offices du dimanche il y a cinq ans, un millier désormais. Il a même fallu monter une mezzanine de 200 places sous les grandes orgues. Sainte-Blandine doit cette ruée de fidèles à Glorious, un groupe de musique dite de pop-louange. Guitares, synthé, batterie, choristes et les frères Pouzin, Thomas et Benjamin, les fondateurs, qui chantent et se déhanchent. Airs électro-folk et paroles à la gloire de Dieu. Le tout sonne plutôt bien et est surtout très entraînant.

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L’autel devient scène

L’autel devient la scène avec amplis, écrans géants, jeux de lumières, lasers et volutes de fumigènes percés par les rayons des hauts vitraux. «Dieu nous regarde, il est cette lumière qui emplit nos cœurs, c’est miraculeux», susurre au micro Thomas. Les fidèles, bras levés au ciel, sont en extase. «Le nom de notre Dieu est grand», reprennent ce samedi-là 600 personnes (le double dimanche). Les musiciens récusent le terme de boys band chrétien parce qu’ils ne dansent pas et prônent la simplicité. «Notre loge, c’est la sacristie», rappellent-ils.

Dans le porche, à hauteur des bénitiers, des tables et chaises de café, on s’y désaltère, mange des viennoiseries, on y est assis à même le sol, tapotant sur son iPhone. Des enfants dessinent, bâillent et braillent. On grouille, on s’agite, on converse, on lance sur Facebook une alerte catho-party pour le 3 juin dans le Forez. Un coin achat propose à la vente des mugs «I love my church», des Bibles, des tee-shirts Glorious et les CD Glorious avec partitions.

On nous reproche parfois d’être un peu marketing. Nous répondons que nous sommes des professionnels qui se donnent les moyens de propager la parole de Dieu

Thomas et Benjamin

Le groupe créé en 2002 à Valence, dans la Drôme, a déjà produit neuf albums et a écoulé 150 000 exemplaires. «On nous reproche parfois d’être un peu marketing. Nous répondons que nous sommes des professionnels, dix en tout en comptant la technique et la logistique, qui se donnent les moyens de propager la parole de Dieu. Nous avons au minimum 80 dates par an et tournons en France mais aussi en Belgique, en Suisse et en Italie», commentent Thomas et Benjamin, la trentaine, visages émaciés et lumineux, qui ont grandi dans une famille croyante «mais sans excès».

Un choc aux JMJ de 2000

Thomas dit avoir été touché par la grâce aux JMJ de Rome en 2000. Fervents croyants bénis à la fois par Dieu et son plus grand serviteur, à savoir le pape François qu’ils ont rencontré pendant 45 minutes en juin 2015 au Vatican. Entretien loin de tout protocole puisque les Glorious se sont assis par terre pour écouter le saint-père puis leur jouer à la guitare un Notre Père revisité. «Il y a des gens en vie mais qui sont morts, il faut aller les réveiller», les a encouragés Jorge Bergoglio.

Message reçu. Depuis quatre ans, ils ont investi Sainte-Blandine avec leur fameuse messe pop sonore du dimanche soir, se sont approprié et ont dépoussiéré les lieux. Avec l’aval aussi du cardinal Barbarin, l’archevêque de Lyon qui le 17 mai 2015 les a désignés «lecteurs», ce qui les autorise, à titre de laïcs, à animer la prière, à lire les textes de l’Ecriture et les commenter. «Sans aucun réel mandat de l’Eglise, nous faisions des prédications pendant les concerts et prêchions devant des dizaines de milliers de personnes. Tout est désormais plus clair», se félicite Thomas Pouzin.

Ce week-end, une «Conférence»

Samedi et dimanche, Glorious a organisé une Conférence avec des louanges (exprimer en musique et chants sa foi en Dieu, avec les autres), des prédications, des ateliers autour par exemple de la vie de couple, des prières dites des frères (un laïc dûment formé écoute une personne dans le besoin ou dans le souci, que ce soit d’ordre spirituel ou matériel) et l’intervention très attendue du cardinal Barbarin.

Pouces accrochés au ceinturon, en habit civil, le verbe haut et railleur (des accents coluchiens parfois), celui-ci a livré un one-chamoine-show qui a fait réfléchir, rire, applaudir et jamais médire. Les récentes accusations selon lesquelles il aurait couvert des actes pédophiles de prêtres du diocèse lyonnais sont balayées. «Il n’était pas en exercice à l’époque, il a été ferme, il a condamné ces actes, il fait le ménage», entend-on.

Un public depuis l’Alsace et la Suisse

On vient de loin écouter les Glorious. Emilie, l’Alsacienne, 19 ans, qui s’ennuie à mourir dans son église strasbourgeoise. «Ici, je vis et partage ma foi, je parle, je bouge, je crie dans mon cœur et à la face de monde mon amour de Dieu», soupire-t-elle. Evelyne et Françoise, la soixantaine, des Suisses de Bienne, converties depuis peu à l’évangélisme et qui ont découvert sur le Net «la fraîcheur de la louange des Glorious, l’église qui se réveille, les catholiques et les protestants ensemble.» Michelle (67 ans) dont la paroisse à Ambérieu (Ain) délivre «une liturgie triste et routinière, un dimanche par mois parce qu’on manque de curés». Elle murmure: «On doit annoncer que l’on est sauvé et dans la joie malgré toutes les tuiles qui nous tombent sur la tête.» Son mari, un brin traditionaliste, ne l’accompagne pas «parce qu’il pense que c’est trop dans le spectacle, trop bringue et trop moderne».

Une inspiration américaine

Saint-Blandine, inspirée des Eglises évangéliques américaines, qui reçoit de manière œcuménique les mouvements Hillsong ou Porte ouverte, déplaît à certains. Qui se souviennent qu’en 2010 Glorious a exprimé sa honte devant une contre-manifestation destinée à empêcher un kiss-in de couples homosexuels prévu devant la cathédrale de Lyon. Le groupe avait ouvertement condamné l’intrusion d’extrémistes au crâne rasé et au bras tendu qui avaient tenu des propos homophobes.

Mariage pour tous, avortement, procréation médicalement assistée, Glorious ne prend pas position, bottant non pas en touche mais en autel, là où la conscience et la croyance de chacun s’exercent et prennent du sens. «Nous sommes dans l’air du temps, un peu macronistes donc, il y a un peu de tout dans cette église. L’essentiel est que nous tendions à l’unité et à la fraternité», confie un fidèle.