C’est une Genevoise de 14 ans qui se fait traiter de «pute» par ses camarades parce qu’elle porte une jupe, et de «frigide» quand elle enfile un large pull. C’est une Française de 11 ans (!) renvoyée de son école parce que son short au-dessus du genou «excite». C’est une ado américaine vêtue d’un t-shirt XL ras du cou, à qui le doyen de l’établissement demande de mettre des sparadraps sur ses tétons parce qu’ils «distraient» les garçons. Question de «décence».

Ces réactions, qu’elles émanent de pairs ou de la direction, ont en commun de rendre responsables de très jeunes filles du «malaise» que leur apparence provoque chez ceux qui se sentent en droit d’avoir un avis sur la question. Rarement est remise en cause la légitimité de ces propos, de cette «excitation», de ces «distractions» présumées.

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C'est aussi politique

Tout cela peut sembler anecdotique, mais est éminemment politique. En Suisse comme ailleurs, les adolescentes vivent sous le poids d’injonctions contradictoires. Elles doivent être féminines, mais pas trop, décentes, mais pas trop. Qui leur dit qu’elles sont libres? Quand comprendra-t-on que les fillettes, les jeunes filles, les femmes ne portent pas seules le poids de «l’indécence», et que celle-ci réside aussi dans le regard d’une société patriarcale?

Des règles sont nécessaires à une saine vie scolaire. Mais dans les faits, comme le souligne le dernier rapport en date de l’Unicef, celles-ci pèsent davantage sur les filles. En Suisse, la loi sur l’instruction publique, selon laquelle les élèves doivent porter «une tenue correcte et adaptée», reste volontairement ambiguë – laissant libre cours à une interprétation plus ou moins discriminatoire selon les cas. Signe des tensions actuelles, des Départements de l’instruction publique romands se déchirent sur la question.

Réfléchir ensemble

Si légiférer sur une épaule nue est inefficace, rien n’empêche de réfléchir ensemble, en classe, au lieu de se contenter d’interdire. C’est ce que font déjà certaines écoles, et cette démarche doit devenir la norme. Comme à Portland, aux Etats-Unis, où les établissements publics ont adopté un «dress code non sexiste» et un débat systématique.

La déconstruction des stéréotypes de genre auprès de ces jeunes est cruciale. Estimer naturel que les garçons soient ingérables à la seule vue d’une bretelle de soutien-gorge et, de ce fait, bannir cette dernière, ce n’est pas rendre service aux hommes qu’ils deviendront. C’est, d’une part, une forme de stigmatisation qui les vise, présumant la prédation. C’est, d’autre part, rater l’opportunité de les rendre sensibles au respect de l’autre, quelle que soit sa tenue. Aucune ne justifie la violence, ni des mots ni des actes.

Quant à convaincre de si jeunes filles que leur corps est un problème, n’est-ce pas déjà leur dire qu’elles sont à l’origine du sexisme qui les poursuivra? Et dans ce cas: qui est indécent?


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