Vendredi soir, c’était l’événement de la Haute école d’art et de design de l’année. On veut parler du fameux défilé de sa filière mode, qui attire le Tout-Genève stylé à Châtelaine, sur ce nouveau campus que la HEAD investit gentiment depuis la fin de l’été. Avec, en 2017, quelques nouveautés. Parmi celles-ci, une représentation unique, contre deux passages les années précédentes. L’espace du Campus HEAD, qui pouvait accueillir 2000 personnes, était donc plein comme un œuf.

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Léa Peckre, responsable du département fashion design, a aussi voulu que tous les degrés – du Bachelor I aux Masters II – présentent au public leurs créations. Auparavant, seules les classes qui concourraient pour les prix foulaient le catwalk. Pour la responsable de la filière, l’apprentissage de la mode, ce n’est pas seulement savoir tailler des vêtements, c’est aussi en parler, connaître les moyens de la diffuser et donc aussi la confronter à l’épreuve du défilé. Elle a bien raison, à une époque où les diplômés sont souvent lâchés dans la nature une fois leurs formations terminées.

Des trous partout

Plus à voir, plus à dire, plus à voyager, la mode ayant cette faculté de vous transporter à travers le temps, les genres et les territoires. Cela donne 1h20 de show et 270 tenues qui passent devant un aréopage formé de professionnels de la mode, de personnalités qui comptent dans la création, d’enseignants, de journalistes, de parents et d’amis.

Alors oui, le nombre accroît forcément l’impression du même. Difficile parfois de distinguer le travail d’un étudiant Bachelor de celui d’un Master, même si quatre ans d’étude les séparent. On sent les influences: beaucoup de fronces, de déchirures, de surcouche qui donnent aux modèles des allures de musclor de chez Marvel. Et comme chez Gainsbourg, de petits trous un peu partout. Ce qui n’enlève en rien à l’excellence. La HEAD appartient au top 10 européen des écoles qui forment au métier du design de mode. Ça se voit et ça se sent, la qualité des travaux présentés augmentant chaque année.

Hommage à Buren

Au rayon des collections qui font waouh, il faut noter l’incroyable travail de la maille et de textile semi-transparent d’Irina Terekhova, qui revisite ainsi le genre de la lingerie. Les femmes rayures de Remi Galtier dont l’intitulé de la collection, «Cindy adore les tableaux de Daniel», ne cache pas l’hommage fashion au peintre Buren. Et puis un ovni. On veut parler de Paul Pourcelot, qui s’invente une monarchie dont le roi porterait un improbable uniforme-phallus. C’est un peu hors sujet, mais plutôt drôle et surprenant, débarqué comme ça au milieu du show.

Et puis Mikael Vilchez. Le fashion designer de 27 ans propose une collection masculine qui décline le denim. C’est original et complètement contemporain dans cette manière de revisiter la toile de jean de toutes les manières: façon sportswear qui brille, capote militaire et même petite robe près du corps pour homme dégingandé. Mikael Vilchez a tapé dans l’œil du jury, présidé par Serge Ruffieux, directeur de la maison Carven à Paris. 

A ses côtés sur le banc des jurés, on trouvait Stephen Jones, fondateur de Stephen Jones Millinery à Londres, Glenn Martens, designer de mode parisien, la journaliste Alice Pfeiffer et la responsable des éditions Mode du T, le magazine du Temps Séverine Saas, Mikael de Picciotto, du Bongénie, et Sylvette Lepers de La Redoute. Le jury a décerné au diplômé master le prix Mercedes-Benz de 10 000 francs.

Glamour de la pampa

Le Bongénie, lui, a remis un chèque de 5000 francs au diplômé bachelor Miguel Mendes Salvador pour ses garçons hauts en couleur chez qui les manches (des vestes, des chemises) ne s’enfilent pas forcément sur les bras et l’oversize est une seconde nature. Cette année, La Redoute rejoint le Bongénie et Mercedes-Benz dans le cercle des généreux donateurs du défilé de la HEAD. Le grand magasin s’engage à développer une collection capsule avec son lauréat.

Signe des temps qui voient les garçons regarder leur vestiaire moins machinalement que leur smartphone, c’est encore une collection pour homme qui a gagné. En mars 2018, ils pourront donc acheter les vêtements de Flore Girard de Langlade, qui trouve l’inspiration dans l’univers de la tauromachie. Ses pantalons boutonnés très haut donnent une classe folle à la silhouette masculine. Ajoutez une veste en jean blanc pour le supplément de glamour de la pampa. Prêt, sapez et entrez dans l’arène.