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Autour d’un hashtag devenu viral, des milliers de femmes témoignent des violences sexuelles qu’elles ont subies en réaction aux récompenses attribuées à Roman Polanski lors de la cérémonie des Césars

Près de 100 000 tweets en 48 heures. Après que les Césars des meilleurs costumes, de la meilleure adaptation et de la meilleure réalisation ont été remis à Roman Polanski vendredi dernier pour son film J’accuse, le hashtag #JeSuisVictime a submergé les réseaux sociaux français. A travers lui, de nombreuses femmes racontent les violences sexuelles dont elles ont été victimes, souvent accompagnées de l’âge qu’elles avaient au moment des faits dénoncés.
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je sui rentrée dans l'ascenseur, il est entré avec moi. je ne me souviens de rien d'autre. je me suis retrouvée sur le parking sans ma culotte. j'étais une enfant. il m'a brisée. #JeSuisVictime pic.twitter.com/k8E0IZpCwF
— lois (@deferlantes_) February 29, 2020
«Je suis rentrée dans l’ascenseur, il est entré avec moi. Je ne me souviens de rien d’autre. Je me suis retrouvée sur le parking sans ma culotte. J’étais une enfant. Il m’a brisée. #JeSuisVictime», raconte une femme sur Twitter. Des milliers d’autres suivent:
«J’avais 13 ans, lui en avait 12. C’était quelqu’un de ma famille. Je me suis remise en question en me demandant si c’était moi le problème puisque certaines personnes me disaient que j’avais brisé la famille mais en fait, c’était LUI le problème et seulement LUI #JeSuisVictime.»
L’ampleur du phénomène rappelle les mobilisations lancées sur les réseaux sociaux avec les mots clés #MeToo et #BalanceTonPorc. Les chiffres fournis par Visibrain, commandés et publiés par France Inter lundi, permettent de mettre ces phénomènes en perspective: 48 heures après la cérémonie, Twitter a recensé plus de 80 000 tweets avec le hashtag #JeSuisVictime, ainsi que des milliers comportant sa variante: #JeSuisUneVictime. #BalanceTonPorc avait, lui, été mentionné par 116 000 tweets en 48 heures à la suite de l’affaire Weinstein en 2017.
Des Roman Polanski, il y en a partout. Je ne connais pas de filles qui n’ont pas été agressées ou failli l’être au cours de leur vie. Des jeunes, des moins jeunes. Je ne donnerai pas les noms, mais j’ai envie de parler en leur nom sur #JeSuisVictime. #Cesar2020
— 𝐼'𝑚 𝑎 𝑚𝑒𝑠𝑠. #JeSuisVictime (@MeliGV18) February 29, 2020
Enquête française sur le consentement
Le collectif français #NousToutes a répondu sur Twitter au déferlement de témoignages: «Nous vous croyons. Vous êtes fortes et courageuses. Vous n’y êtes pour rien. Les violences sont graves et interdites par la loi. Nous sommes à vos côtés. #JeSuisVictime.»
Hasard de calendrier, le collectif avait justement publié mardi les résultats de son enquête sur les violences sexuelles en France. Le questionnaire, lancé en février et disponible en ligne pendant dix jours et rempli sur une base volontaire, s’est intéressé au consentement dans les relations hétérosexuelles.
En tout, l’organisation a récolté près de 110 000 réponses à son questionnaire, dont 97 000 issues de femmes. Selon les résultats, neuf femmes sur dix ont exprimé avoir fait l’expérience d’une pression pour avoir un rapport sexuel. L’enquête révèle aussi que deux femmes sur trois ont vécu des actes sexuels non consentis. Le hashtag #JaiPasDitOui, lancé à l’occasion de la publication des résultats de l’enquête, était l’un des plus utilisés en France sur Twitter, mardi, à la mi-journée, souligne France Info.
Une cérémonie des Césars vivement critiquée
La soirée des Césars a provoqué en France et en dehors des frontières hexagonales de vives polémiques. Roman Polanski est toujours poursuivi par la justice américaine pour relations sexuelles illégales avec une mineure en 1977. Depuis novembre 2019 s’ajoute une nouvelle accusation de viol à l’égard de Roman Polanski. La photographe française Valentine Monnier affirme avoir été violée par le cinéaste en 1975 en Suisse, elle était alors âgée de 18 ans. Aucune plainte n’a été déposée, les faits étant prescrits. Le soir même de la cérémonie, des manifestantes s’étaient rendues devant la Salle Pleyel à Paris pour dénoncer les 12 nominations du réalisateur franco-polonais.