Matt Damon campe un astronaute laissé pour mort sur Mars. Ses réserves d’oxygène s’épuisent, il est seul sur la planète rouge et doit trouver un moyen d’avertir la NASA qu’il est encore en vie. Retour dans le temps. Il y a précisément cent ans, Thomas Edward Lawrence, l’officier anglais amoureux du désert, longe un chemin de fer, sur un chameau. Des Bédouins cachés derrière les dunes guettent l’arrivée du train avant de lancer l’assaut. Nous sommes en pleine Première Guerre mondiale.

La Jordanie souffre aujourd’hui des conséquences de la guerre en Syrie. Les tournages déménagent plus facilement au Maroc ou en Afrique du Sud

Le point commun entre Lawrence d’Arabie de David Lean et Seul sur Mars de Ridley Scott? Les deux films ont été tournés dans la zone protégée du Wadi Rum, inscrite au patrimoine mondial depuis 2011 et situé au sud de la Jordanie, près de la frontière avec l’Arabie saoudite. Les 74 200 hectares de sable, couleur rubis, sont composés de canyons, d’arches, de grottes et de falaises naturellement façonnés par le temps et le vent. La présence d’art rupestre et de 25 000 pétroglyphes retrace quant à elle 12 000 ans d’occupation humaine et illustre l’évolution des activités pastorales et agricoles de cette péninsule Arabique. Cette étendue se traverse à toute vitesse à l’arrière d’une jeep, sensations fortes assurées, ou pour les nostalgiques des yeux azur de Peter O’Toole, sur le dos d’un chameau loué à un Bédouin.

«Avant son tournage, Ridley Scott a exploré Wadi Rum. Il voulait y filmer les extérieurs de sa planète rouge. Il a survolé la région en hélicoptère puis en 4x4 mais sa voiture s’est enlisée dans le désert. Un Bédouin l’a dépanné et s’est retrouvé engagé sur le tournage comme chauffeur.» George David, le directeur de la Royal Film Commission basée à Amman, pourrait passer sa journée à raconter des anecdotes sur ce tournage. Mais conclut par un triste constat: «La Jordanie souffre aujourd’hui des conséquences de la guerre en Syrie. Les tournages déménagent plus facilement au Maroc ou en Afrique du Sud.»

Ruines antiques

Sur la route qui longe la vallée du Jourdain, un âne ronfle paisiblement tandis qu’un troupeau de chèvres mastique doucement à ses côtés. Des sacs en plastique tourbillonnent parfois dans le ciel avant de finir accrochés aux branches d’un rare acacia. On dépasse le mont Nebo, à 10 kilomètres de Madaba. Selon l’Ancien Testament, Moïse y aurait vu la Terre promise. Ce lieu saint de toutes les religions et haut lieu de pèlerinage possède des mosaïques restaurées, héritage des moines qui s’y installèrent du IVe au IXe siècle.

Des ruines antiques ponctuent le paysage jordanien qui mène à la mer Morte, bien connue pour sa concentration en sel unique au monde. Ici, le taux de salinité de l’eau serait 5 à 6 fois plus élevé que dans n’importe quel océan. Aucune espèce ne peut survivre dans un tel environnement. Alors on relève le défi et on se met à flotter sans noyer son smartphone.

Le bal des mezze

Le soleil se couche sur la mer Morte. Les premières lumières des villes voisines s’illuminent. On découvre au pied d’une montagne la ville de Jéricho, un peu plus loin Jérusalem puis Bethléem. Cette terre biblique, située au croisement des routes commerciales qui reliaient les cités du Moyen-Orient, possède des millénaires d’histoire mais peine à convaincre les touristes d’y revenir alors que la générosité des autochtones se mêle aux délices de leur gastronomie.

Sur la table s’entrechoque une kyrielle d’assiettes en terre cuite de mezze, ces entrées orientales, colorées et épicées, servies tantôt chaudes, tantôt froides. S’ensuit un ballet de brochettes de mouton, de poulet, présenté sous la forme d’un chawarma ou kefta. Les falafels, ces boulettes de pois chiches frites, se mangent avec du pain sorti du feu et encore gonflé. On se laisse enfin séduire par des ma’amouls, ce dessert fourré aux dattes, noix ou pistaches qu’on accompagne d’un café aromatisé à la cardamome.

Petra sortie de l’oubli

Qui ne revient pas ébloui par sa visite de Petra? L’ancienne cité nabatéenne recèle des secrets que de continuelles fouilles archéologiques révèlent. Les Nabatéens dominaient les routes, prélevant un péage auprès des commerçants d’épices, de soies indiennes ou d’ivoires africains. On imagine cette halte caravanière, où l’on remplissait ses gourdes aux fontaines, se délectant de dattes dans l’étroit canyon avant de reprendre la route en direction de la mer Rouge ou de Damas.

Un théâtre atteste de la présence des Romains en 106 de notre ère, au moment où l’Empire qui domine la région privilégie les voies maritimes. Ainsi, au fil des siècles, à l’écart des grandes voies de communication, Petra (qui signifie «rocher» en grec) perdra de sa superbe. Située au cœur d’un massif gréseux, elle reste longtemps difficile d’accès. Le 22 août 1812, l’explorateur Jean Louis Burckhardt décide de rejoindre Le Caire. Ce Lausannois de 28 ans découvre, lors d’une marche près de Wadi Moussa, une immense façade sculptée dans le grès rose. C’est ainsi que la ville sortira de l’oubli.

Le voyage dans le triangle d’or qui relie Petra à Wadi Rum se clôt avec Aqaba. La ville côtière, sans grand charme, est pourtant célèbre chez tous les plongeurs de la mer Rouge. On enfile son tuba et son masque pour lever le voile, entre les massifs rocheux et les récifs coralliens, sur une faune sous-marine à couper le souffle.


Y aller:

3 vols hebdomadaires desservis au départ de Genève – dont deux via Zurich – avec Royal Jordanian Airlines, à partir de 700 francs. www.rj.com

Y dormir:

Le Mövenpick Resort Dead Sea donne sur la mer Morte, la décoration rappelle les casbahs pittoresques du désert qui s’articulent autour d’un olivier vieux de 2000 ans. Les oranges du jardin se dégustent, elles, en confiture au petit déjeuner. Les 6000 m2 du Zara spa dispensent des soins aux parfums exotiques. www.movenpick.com

Que ramener?

Le zaatar est un mélange d’épices: sésame, thym, sumac, marjolaine grillée à l’huile d’olive et séchée. Acheté au marché, on le consomme avec du pain et de l’huile d’olive jordanienne pour l’apéritif.

Les produits de beauté 100% naturels de Trinitae mélangent les matières premières du pays, l’olive, le sel et la boue noire revitalisante de la mer Morte. Et puis l’entreprise cultive l’esprit fairtrade en soutenant les enfants en difficulté. www.trinitae.com