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L'Allemagne découvre ce jeudi la première version étrangère du journal satirique français. Tiré à 200 000 exemplaires, ce numéro propose des contenus spécifiques

Merkel nue, en chaise à porteurs, en Fidel Castro ou coiffée d’une saucisse: l’Allemagne a découvert ce jeudi la première version étrangère du journal satirique français Charlie Hebdo, qui se risque à exporter son humour.
«Pour l’instant ça marche très bien. C’est un collector!», constatait en début de matinée Ludwig, marchand de journaux sur Alexanderplatz à Berlin, qui a reçu 150 exemplaires de l’hebdomadaire vendu 4 euros. C’est déjà en Allemagne que le «numéro des survivants», paru une semaine après l’attentat de janvier 2015 au cours duquel 12 personnes, dont huit membres de la rédaction, ont été assassinées par deux frères djihadistes se revendiquant d’Al-Qaïda, a eu le plus de succès à l’étranger. Il s’y est vendu à 70 000 exemplaires.
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«Une vraie curiosité»
«On a constaté qu’il y avait une vraie curiosité en Allemagne pour Charlie Hebdo», où l’équipe a souvent été invitée pour des expositions, contrairement à d’autres pays européens, a expliqué l’actuel directeur de la publication, Riss.
«Dans aucun autre pays l’attentat n’a provoqué des réactions aussi importantes – avec des veillées, des événements de solidarité – et un tel débat sur la liberté d’expression et la liberté de la presse», a renchéri Minka Schneider, la rédactrice en chef de la version allemande, dans un entretien au quotidien «Süddeutsche Zeitung».
#charliehebdo ab heute auch mit deutscher Ausgabe pic.twitter.com/V1CznvbIzF
— Walter Scheuerl (@Walter_Scheuerl) 1 décembre 2016
Pour des raisons de sécurité, cette journaliste âgée de 33 ans est seulement connue sous ce pseudo. Elle anime de Paris une équipe d’une douzaine de personnes, basée des deux côtés du Rhin dans une répartition qui n’a pas été dévoilée. L’imprimeur et distributeur du journal veut lui aussi rester anonyme pour les mêmes raisons.
Deux concurrents pour «Charlie Hebdo»
«L’humour est partout, même en Allemagne», a plaisanté de son côté Riss dans un entretien à la chaîne allemande de télévision ARD cette semaine. «C’est une expérience pour nous de publier Charlie Hebdo dans une autre langue et d’essayer de trouver des nouveaux fans du magazine qui aideront à le défendre».
L’Allemagne compte déjà deux mensuels satiriques, «Titanic» et «Eulenspiegel», avec lesquels «Charlie Hebdo» devra rivaliser. L’hebdomadaire français «est de l’impertinence pure: à partir du 1er décembre, les lecteurs allemands y seront soumis. Que dire? Bienvenu, tout simplement», a salué le quotidien «Frankfurter Rundschau», taxant l’humour de «Charlie Hebdo» d'«aussi subtil qu’un rouleau compresseur».
200 000 exemplaires
Tiré à 200 000 exemplaires, ce premier «Charlie Hebdo» en allemand mêle en «Une» la chancelière allemande Angela Merkel, qui vient d’annoncer qu’elle se représentait pour un quatrième mandat, et le constructeur automobile Volkswagen, touché par le scandale des moteurs diesel truqués.
On y voit la chancelière affalée sur une rampe hydraulique. «VW soutient Merkel», peut-on lire tandis qu’un salarié de Volkswagen déclare: «Un nouveau pot d’échappement et c’est reparti pour quatre ans». La page 2 est entièrement consacrée à la chancelière avec neuf dessins la présentant dans diverses postures: seins à l’air se déhanchant sur le drapeau européen, ou portant la veste Adidas qu’affectionnait Fidel Castro pour réclamer un «mandat de cinquante ans».
Contenus spécifiques
La maquette allemande, de 16 pages, reprend la française, avec des traductions de textes et de dessins, mais aussi des contenus spécifiquement pour l’Allemagne. Riss espère d’ailleurs recevoir à l’avenir des contributions de dessinateurs allemands.
Pour le premier numéro, le dessinateur signe, lui, un reportage de quatre pages réalisé dans plusieurs villes allemandes. Celui-ci figure aussi dans le «Charlie» français. «Les ressorts humoristiques peuvent fonctionner sur un esprit allemand, après il faut apprendre à connaître les codes de la vie politique et de la vie culturelle en Allemagne», indique-t-il. «Si on arrive à se fabriquer des lecteurs à l’étranger, on se fabriquera des alliés, des gens qui nous aident à diffuser et à faire comprendre ce qu’on est, on ne sera plus les seuls à faire ce travail».
«Charlie Hebdo» n’a en effet jamais manqué de critiques. Parmi les dernières polémiques, la ville italienne d’Amatrice, frappée cet été par un séisme meurtrier, a porté plainte contre l’hebdomadaire à la suite de la publication d’un dessin montrant des victimes ensanglantées avec les mentions «Penne sauce tomate» ou «Penne gratinées».