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Dans le sud-ouest de la France, à Couthures, se tient un cycle de discussions publiques sur l’avenir des médias dont «Le Temps» est partenaire. L’occasion de montrer à quel point le secteur est chamboulé

Ces jours à Couthures, dans le sud-ouest de la France, se tiennent le Festival du journalisme vivant. L’événement, dont Le Temps est partenaire, comprend de nombreux «Ateliers de Couthures» dans lesquels se discute l’avenir du journalisme, les grands enjeux des médias.
Nos articles à ce propos:
Le journaliste est un être dont les deux jambes flageolent. Son secteur économique se délite, et son statut est ébranlé. Il vit avec le sentiment constant de devoir réinventer son métier, sans trop savoir comment, et avec la perpétuelle pression économique comme épée de Damoclès. Ce qu’expliquent ces jours les experts réunis aux Ateliers de Couthures, en France, dont Le Temps est partenaire.
Dans la presse écrite, les mauvaises nouvelles s’accumulent en Suisse romande – avec la mort de L’Hebdo et la restructuration du Temps, ce printemps. Plus fortement dépendante de la publicité qu’ailleurs en Europe (facilement 70% des recettes), la presse helvétique subit la crise de plein fouet. Entre 2005 et 2015, ses revenus publicitaires ont fondu de 60%. Les petites annonces qui font florès sur le Web ne financent plus les médias; le modèle économique s’érode.
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La quête de nouvelles recettes
Les médias cherchent de nouvelles recettes. Comme d’autres, Le Temps mise sur des événements, des conférences et des projets parrainés. La fonte des cloisons entre publicité et contenus inquiète certains; pourtant, les nouvelles règles du jeu peuvent être expliquées, donc débattues. D’autres évoquent l’hypothèse d’un soutien public à la presse, longtemps taboue en Suisse.
Ces tâtonnements se font dans une ambiance de course contre la montre. En face, les mastodontes du Web aspirent la publicité plus vite qu’elle n’apparaît. Les seuls Google et Facebook drainent plus de 70% du marché en ligne.
Quelle est la légitimité du journaliste?
Et ils se gorgent, aussi, des articles du journaliste, en proie au doute. Parce que le caractère docte de la fonction, expliquer le monde en accompagnant le café de ses lecteurs, a volé en éclats. Non seulement l’information est devenue gratuite – parfois par maladresse des éditeurs eux-mêmes –, mais le métier paraît désormais bénévole. Oui, sur les réseaux, tout le monde se fait journaliste et commentateur. Dès lors, quelle est la légitimité de celui qui prétend raconter l’actualité? Qu’a-t-il de plus que l’honnête homme de 2017, le gazouilleur?
La question condense le défi des années à venir. Le journaliste a pour lui ses connaissances, parfois sa spécialisation, et son savoir-faire technique: la curiosité de base, le questionnement, les techniques d’enquête, le carnet d’adresses. Mais tout cela ne justifie plus sa parole en tant que telle. Il doit refaçonner son discours, se rapprocher du lecteur, trouver de nouvelles manières de décoder le monde. Il va utiliser les phénoménales capacités numériques et statistiques, il se met à l’audiovisuel, peut-être va-t-il même emprunter à la fiction ou au monde des jeux de nouvelles astuces narratives pour mieux capter l’intérêt d’un public si fluctuant. La mission ne change guère, mais il y a tant de langages à apprendre, tant d’expériences à mener. Le défi est passionnant, terrifiant aussi. Car sans cesse, les revenus, qui filent, doivent être traqués.