L’alerte «push». Un anglicisme pour décrire ce court message qui s’invite sur votre écran de téléphone. Les médias en raffolent pour partager les soubresauts de l’actualité. L’outil présente des avantages indéniables. Il permet d’informer les lecteurs de manière concise et immédiate. A l’ère de l’actualité en continu, la tentation est grande d’envoyer des alertes à tout va. D’autant plus que ces notifications peuvent augmenter le trafic sur les sites d’information.

Au Temps, le «push» est pris avec des pincettes. Il ne faut pas importuner inutilement les utilisateurs de notre application mobile. Pour atteindre cette sobriété, la rédaction a rédigé une charte pour «alerter à bon escient». Première règle: l’envoi est considéré comme intempestif entre 22h et 8h du matin. Sur le fond, la stratégie est tout aussi précise. Un débat politique? Il doit intéresser au niveau national. Une performance sportive? Hors de question, sauf dans le cas d’une hypothétique «victoire mondiale fédératrice pour un Suisse ou résident». Une information très sectorielle en économie? Non. Un fait divers? Non plus, «sauf exception majeure».

Disponible également: La nécrologie dans les médias, notre regard au fond de la tombe

Se démarquer

Résultat: les nouvelles importantes de la journée ne sont pas forcément mises sur un piédestal. L’idée est de partager des contenus forts, de l’analyse pointue au récit captivant. «Dans l’intitulé de l’alerte, notre plus-value doit être perceptible, précise le document. A la course à la vitesse, nous serons souvent perdants par rapport à la concurrence. Une tournure de phrase suffit à se démarquer.» Le corédacteur en chef Gaël Hurlimann porte une grande attention à ce critère: «Quand je relis le «push», je me pose une question: est-on assez clair sur la valeur ajoutée?»

Une opération parfois délicate. «L’exercice qui consiste à résumer un long article en une phrase n’est pas évident», confirme notre journaliste-pusheuse Marie-Amaëlle Touré. Il faut livrer la quintessence du contenu journalistique tout en évitant la fausse note. Dans l’effervescence du moment, une maladresse de langue peut empoisonner l’alerte. Horreur! «Le message est validé par le chef info [rédacteur en chef en charge de la journée] mais l’envoi reste une source permanente de stress. Ma hantise, c’est la faute d’orthographe dans le texte», sourit-elle. La pression est à la hauteur du nombre d’abonnés aux notifications. Ils sont plus de 36 000 à recevoir les informations du Temps.

Au lancement de la stratégie, le nombre d’envois par jour était strictement limité: «Sauf exception majeure, ne pas envoyer plus de deux alertes par jour.» Pourquoi? «Pour ne pas pousser les internautes à se désabonner.» Si la règle s’est depuis assouplie, le risque de fuite est réel. Un développeur informatique du groupe de presse suédois MittMedia a récemment mesuré le nombre d’alertes à ne pas dépasser. Au-dessus de 20 par mois, les lecteurs se désabonneraient plus rapidement. Reste à mesurer le seuil de tolérance pour un média comme Le Temps. Est-ce moins? La charte souligne l’importance de «vérifier l’impact de l’alerte». Dans les deux heures qui suivent l’envoi, notre équipe doit contrôler l’effet sur la fréquentation de notre application mobile. Si le taux d’ouverture est faible, le message sera considéré comme «gênant». Promis, cet article ne fera l’objet d’aucun «push».


Avec Hyperlien, «Le Temps» est à votre écoute