L’Allemagne et l’Autriche permettent d’imposer un traitement médical à un détenu lorsque sa vie est en danger. L’alimentation forcée est possible aux mêmes conditions. La législation espagnole va dans le même sens et a été appliquée, notamment, aux membres de l’ETA en grève de la faim.

La tradition anglo-saxonne favorise au contraire la liberté personnelle. Le rôle des autorités pénitentiaires est exclusivement d’informer le détenu qu’il ne recevra de l’aide que s’il la demande expressément. Dix indépendantistes irlandais ont trouvé la mort dans ces conditions en 1981. Les Pays-Bas s’inscrivent dans la même ligne.

En Suisse, comme en France et en Italie, la situation légale est moins claire. En Argovie et à Zurich, des mesures de contrainte peuvent être prises à certaines conditions pour protéger un détenu d’un grave danger. Seuls Berne et Neuchâtel ont légiféré expressément. Admise en principe, l’alimentation forcée ne peut toutefois pas être pratiquée lorsque le détenu s’y oppose en pleine conscience. La loi neuchâteloise prévoit en outre que d’éventuelles directives anticipées doivent être respectées. La législation bernoise est muette sur ce point, mais les médecins qui ont traité Bernard Rappaz lors de sa précédente grève lui avaient précisé qu’ils respecteraient les siennes. Pour ordonner son alimentation forcée, le Tribunal fédéral s’est appuyé sur la clause de police qui permet aux autorités de prendre des décisions sans base légale lorsque l’intérêt public l’exige.

La déontologie médicale privilégie, elle aussi, la libre détermination du patient. La Déclaration de Malte de l’Association médicale mondiale, dont s’inspirent les directives de l’Académie suisse des sciences médicales, incite les médecins à protéger la liberté de leur patient, y compris contre les pressions en faveur de la grève qui pourraient venir de leur entourage. Ils doivent également les informer de façon détaillée des risques encourus et maintenir la confidentialité de leurs échanges. Lorsqu’un détenu persiste à refuser de s’alimenter, il ne leur reste qu’à s’incliner. Ce n’est que si le détenu tombe dans le coma sans avoir laissé de directives – qu’ils sont incités à demander – qu’ils peuvent agir selon leur propre conception de l’intérêt du patient.