Il est 17h, je lance l’application Too Good To Go. Un traiteur thaï de Genève y propose un plat à 5.95 au lieu de 13 francs, à aller chercher à 21h. La boulangerie Gilles Desplanches, elle, mentionne un repas moitié prix à collecter à 17h30.

Depuis deux semaines, la Cité de Calvin fait partie du réseau Too Good To Go, une application créée il y a tout juste dix mois au Danemark. Dix mois, et déjà 500’000 téléchargements dans huit pays d’Europe (Allemagne, Norvège, Grande-Bretagne, France, Autriche, Suède, Suisse et Danemark) pour un millier de restaurants qui jouent le jeu. A fin août, 235’000 repas avaient ainsi évité le chemin de la poubelle.

Pour rappel, à l’échelle de la Suisse, 2,3 millions de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année. La restauration ne représente certes que le 5% – la plus importante source de gaspillage venant des ménages (45%) – mais comme on dit, il faut bien commencer quelque part.

Gagnant-gagnant

Too Good To Go propose une solution de type gagnant-gagnant, qui tire sur les ficelles écologique et économique. Le fonctionnement est très simple: inscrits au préalable auprès de la société qui gère la plateforme, des restaurants, tea-rooms ou traiteurs informent dans la journée du nombre de portions qu’ils pourront vendre, ainsi que leur prix.

Devant son smartphone, l’utilisateur affamé et géolocalisé repère rapidement les enseignes qui proposent des repas invendus. Il peut alors pré-commander le nombre de portions souhaitées, et passer les chercher à l’heure donnée. Mais rien ne lui garantit à l’avance qu’il trouvera de quoi se sustenter près de chez lui, et il n’aura pas la possibilité de choisir son plat. On n’utilise pas cette app comme on choisit son menu au resto.

Une fois la commande confirmée, la transaction se fait par carte de crédit. Pour couvrir ses frais de fonctionnement Too Good To Go prélève 1,50 franc supplémentaire par repas. A noter que bon nombre de collaborateurs sont encore bénévoles.

Sujets tabous

David Greco, gérant de l’épicerie-traiteur Messapia à Genève, a tout de suite souhaité tester le concept. Voilà donc deux semaines qu’il propose ses spécialités italiennes via cette application innovante. Ses motivations premières? Ecologie et altruisme. «Proposer des plats sains à des gens qui ne peuvent peut-être pas se les acheter au prix plein. Ceux qui viennent sont souvent des étudiants. Cela dit, cela fait connaître le magasin, et je vends parfois quelque chose à côté. Du vin, des biscuits… En plus, au final, cela limite les déchets.» Il estime donc que tout le monde y gagne.

De son côté, Flore Martinson, manager de Too Good To Go pour la Suisse romande, fait sans relâche du porte à porte pour présenter le concept. Jusqu’ici, une quinzaine d’enseignes genevoises ont accepté d’entrer dans le réseau, et une vingtaine sont sur les starting-blocks. «Nous avons eu des appels de restaurateurs qui nous ont dit «on a beaucoup de restes, aidez-nous!» Mais certains sont sur leurs gardes, l’argent et les restes alimentaires sont des sujets tabous.»

Idéal pour les plats du jour

Et la manager de raconter avoir été estomaquée devant la réponse donnée par une grande enseigne genevoise: «Ils jetaient des plats entiers devant moi en m’expliquant que notre concept ne correspondait pas à leur politique.»

Idéal pour les restaurants qui préparent des portions à l’avance (traiteurs, tea-rooms, take away…), et pour les plats du jour prévus en grande quantité, le processus colle difficilement aux restaurants qui concoctent des plats minute. «L’idée est super, mais avec notre fonctionnement, nous n’avons jamais de restes, explique un restaurateur lausannois. Par contre pour des événements particuliers où il y a un buffet, c’est génial.»

Après Genève, Too Good Too Go devrait continuer de grignoter la Romandie, en s’installant prochainement sur Lausanne et Fribourg. Pour l’app anti-gaspi, la sauce semble avoir pris.