De Lausanne à Kaboul, un voyage à la cathédrale
Un jour, une idée
En 1970, l’écrivain vaudois Pierre Conne participait au raid Paris-Kaboul organisé par Citroën. Son récit de voyage, exhumé par sa fille, donne lieu à «Faire route», une exposition multidisciplinaire dans le cadre du Festival Histoire et Cité

Sous les voûtes de la cathédrale de Lausanne, une succession de panneaux invite au pèlerinage. Les fêtes pascales sont derrière? Cette procession-là mène ailleurs: de Paris à Kaboul et de Kaboul à Paris. C’est l’itinéraire qu’a suivi l’auteur lausannois Pierre Conne, accompagné de son ami typographe Ernest Imhof, en 1970… en 2 CV. Un raid de 17 000 km organisé par Citroën pour quelque 1000 participants, dont Pierre Conne, qui en tire à l’époque un récit littéraire et une série photographique. Exhumés près de cinquante ans plus tard par sa fille, Julie Henoch, par ailleurs collaboratrice ponctuelle au Temps, ce carnet de route nous conduit sur les traces des jeunes aventuriers.
«L’histoire de ce raid a imprégné notre mythologie familiale, même si je suis née bien plus tard, raconte Julie Henoch. Mon père est décédé en 2008 et, en fouillant la bibliothèque au printemps dernier, je l’ai retrouvé. Et je me suis dit: c’est vraiment pas mal!»
«Faux hippies»
Organisée dans le cadre du Festival Histoire et Cité, consacré cette année au thème du voyage, l’exposition Faire route ne se contente pas d’exploiter les magnifiques clichés de Pierre Conne, entre plaines arides et visages d’enfants tannés par le soleil afghan. Quatre chercheurs de l’Université de Lausanne (du géographe littéraire à l’anthropologue des religions) se sont penchés sur ces mémoires pour tisser des réflexions politico-philosophiques: le rôle du récit de voyage, les idéaux de la jeunesse post-1968 mais aussi la frontière, fine, entre quête d’ailleurs et néocolonialisme…
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«Vrais bourgeois, faux hippies», selon les mots de Pierre Conne lui-même, ces pèlerins-touristes fuyaient le mode de vie occidental… mais s’en émancipaient-ils vraiment? A travers un parcours visuel et sonore, ce sont les clichés orientalistes et les contradictions de l’époque que questionne Faire route – mais aussi notre propre rapport au voyage.
Dans les travées de la Cathédrale, on emboîte le pas aux deux explorateurs entre émerveillements, grondements de moteur et raviolis en boîte. Avec, en filigrane, l’hommage d’une fille à son père. «M’ouvrir sur notre histoire familiale permettait de créer des portes d’entrée, de rendre accessibles ces analyses à tout le monde», souligne Julie Henoch. Un périple à la fois intime et universel.
«Faire route», exposition gratuite à la cathédrale de Lausanne, lu-sa 9-19h et di 11-19h, jusqu’au 15 avril. Retrouvez tous les articles de la rubrique «Un jour, une idée».