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L'EPFL à l'origine d'un nouvel espoir de thérapie génique pour la maladie de Parkinson

L'équipe de Patrick Aebischer a mis en évidence, sur un type inédit de modèle animal, les effets protecteurs, contre la dégénérescence neuronale, de la molécule «parkin». Outre la thérapie génique, une autre façon de l'administrer fait aussi l'objet d'études

C'est une nouvelle porte qui s'ouvre sur la recherche de thérapies pour la maladie de Parkinson. Dans un type inédit de modèle animal, l'équipe de Patrick Aebischer, président de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), est parvenue à freiner la dégénérescence des neurones en favorisant génétiquement la production d'une molécule, la parkin. Ces résultats sont parus hier dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.

Malgré son nom, la parkin n'est pas directement liée à la maladie de Parkinson. L'affection touche environ 2% de la population dès 65 ans. Elle résulte d'une destruction accélérée des cellules d'une partie du tronc cérébral appelée substance noire. D'ordinaire, ces cellules lancent des terminaisons vers le striatum, zone du cerveau impliquée dans la motricité, afin d'y acheminer un messager chimique vital à son fonctionnement: la dopamine. Chez un patient parkinsonien, environ 80% de ces neurones se désagrègent. Le striatum, sans son «carburant», a alors des ratées. Et les symptômes d'apparaître: mouvements difficiles, rigidité musculaire, tremblement au repos, etc.

Dans 10% des cas, la maladie possède un caractère héréditaire. Les gènes responsables sont connus. L'un d'eux, l'alpha-synucléine, est au cœur des travaux des chercheurs lausannois, qui ne l'ont pas choisi au hasard: «Il joue probablement aussi un rôle dans les cas de Parkinson non familiaux, et s'avère donc très intéressant», explique Patrick Aebischer. Une mutation de ce gène induit la formation d'agrégats indésirables de protéines, précurseurs du problème pathologique. Mimer cette mutation dans un modèle animal permettrait ensuite d'étudier des façons d'en inhiber les effets néfastes. C'est ce qu'ont réussi à faire les scientifiques de l'EPFL il y a deux ans.

Ils ont utilisé l'outil «phare» de la thérapie génique: le vecteur viral. L'idée consiste à vider un virus du matériel génétique qui le rend pathogène. Reste l'enveloppe. Dans cette carcasse que Patrick Aebischer compare à un «sous-marin» est logé un nouvel équipage: le gène exprimant en excès la forme mutée de l'alpha-synucléine (surexpression). Des copies de ce submersible sont injectées par milliers, en ciblant les neurones. Là, le virus modifié (du type VIH/sida dans ce cas précis) parvient à insérer sa nouvelle cargaison génétique dans le noyau de la cellule et à y surexprimer le gène. «Au contraire des modèles précédents, qui avaient recours à des neurotoxines, la maladie est ici provoquée sur une base génétique, détaille le professeur. Ce modèle est plus proche de la réalité.»

Une fois la dégénérescence mise en place dans le cerveau des rats, la parade a pu être testée. Cette parade, c'est la parkin, une molécule participant normalement au recyclage des protéines. Qu'elle mute, et le Parkinson peut se manifester. Pour aussi la surexprimer dans la substance grise, Patrick Aebischer et ses collègues ont eu recours à un deuxième vecteur viral, selon le même principe. Et les résultats ne se sont pas fait attendre: «Les effets du second vecteur viral ont contrecarré ceux du premier, et protégeaient les neurones dopaminergiques contre la dégénérescence.»

«Ces résultats sont très intéressants, car c'est la première expérience de ce type réussie sur un mammifère, commente Philippe Hantraye, directeur du laboratoire des maladies neurodégénérative du CNRS/CEA, à Orsay (Paris). D'autre part, la parkin semble avoir un véritable effet protecteur, à l'inverse des autres substances utilisées par le passé.» En l'an 2000 en effet, l'équipe lausannoise fut déjà la première à mettre en valeur, chez des singes, les bienfaits du GDNF. Face à la maladie, cette molécule stimule la croissance des fibres nerveuses issues des cellules de la substance noire. «Mais, à l'image de l'aspirine, cette sorte d'«engrais à neurones» a des effets moins ciblés que la parkin, et aucune conséquence réellement protectrice», relève le chercheur français. L'équipe de l'EPFL vient d'ailleurs d'en faire la démonstration en novembre dans la revue Neurbiology of Diseases, sur ce même modèle du rat. Resterait donc, avec la parkin, à passer aux essais chez le singe puis chez l'homme. «Mais tout se fait maintenant avec énormément de précaution», prévient Philippe Hantraye.

Il y a deux ans en effet, la méthode de la thérapie génique a été remise en questions lorsque des médecins parisiens ont testé des vecteurs viraux sur des enfants atteints de déficiences immunitaires. Certains de ces «enfants-bulles» ont développé une leucémie. Les praticiens en ont attribué les causes à ces nouveaux traitements. Plus qu'à l'accoutumée, la thérapie génique avait du plomb dans l'aile. Cela ne découragea pourtant pas les scientifiques à tester leurs molécules anti-Parkinson, mais avec d'autres méthodes. Concernant le GDNF, des essais cliniques à grande échelle ont ainsi été lancés par la firme américaine Amgen. De fins tuyaux, alimenté par des micro-pompes, délivraient directement les molécules dans le cerveau des patients. Mais Amgen a annoncé en octobre que ces tests ont dû être stoppés en raisons d'effets secondaires importants. Retour donc à la thérapie génique, qu'il s'agit d'améliorer.

«A l'heure actuelle, la survenue d'une leucémie chez deux des dix enfants-bulles a été en grande partie expliquée, affirme Didier Trono, doyen de la Faculté des sciences de la vie de l'EPFL et spécialiste mondial des vecteurs viraux. Cette complication était en grande partie liée à la nature de la maladie sous-jacentes et donc du gène thérapeutique. De plus, il y a de bonnes raisons de penser que les vecteurs viraux utilisés dans l'étude de l'EPFL, dérivés du VIH, influent moins sur toute la mécanique génétique de la cellule que ceux développés pour les enfants-bulles. Ils sont en quelque sorte confinés à n'effectuer que leur travail. La méthode reste donc valable. Pour celle de Parkinson ou d'autres maladies, relancer les essais cliniques semble aujourd'hui raisonnable.» Concernant la première, un essai de phase I-II de thérapie génique est mené depuis août 2003 aux Etats-Unis, et un autre est sur le point d'y être lancé.

Patrick Aebischer n'exclut d'ailleurs pas de prévoir pour bientôt des tests sur des primates avec la parkin, même si ceux-ci sont difficiles à mettre en place. Mais il a aussi une autre idée: «Nous tentons aussi d'identifier sur des rats les petites molécules qui induisent la surexpression de la parkin. Si nous y parvenons, les délivrer simplement par voie chimique sera alors peut-être possible.»