niveau d’alerte maximale
«Le virus ne peut être arrêté»: face à la multiplication des cas d’infection, l’Organisation mondiale de la santé est passée à la phase 6 d’alerte maximale. Cela faisait 41 ans, depuis la «grippe de Hongkong», que le monde n’avait plus connu de pandémie.
«Nous avons des preuves scientifiques claires: la propagation du virus H1N1 va continuer. C’est inévitable.» Jeudi, Margaret Chan, directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé, a annoncé le passage au niveau d’alerte maximal (6), synonyme de pandémie mondiale. Après une relative accalmie, le nombre de personnes infectées a considérablement augmenté ces dernières semaines pour atteindre 28 774 cas confirmés dans 74 pays. Jeudi, l’Australie a recensé 1307 cas, alors que les Etats-Unis en comptabilisent plus de 13 000, le Mexique 5700, le Canada 2450 et le Royaume-Uni 670; 144 décès ont été enregistrés à ce jour.
«Pour l’heure, le virus est très stable et […] nous ne nous attendons pas à une explosion soudaine et dramatique du nombre d’infections sévères et fatales», précise Margaret Chan. Mais une évolution du virus, apparemment composé de souches aviaires, porcines et humaines, n’est pas exclue. La crainte est qu’il se combine avec d’autres virus, dont le très virulent H5N1.
Malgré la faible virulence du H1N1, «ce sont en majorité des gens de moins de 25 ans qui ont été touchés. […] Près de 2% des personnes infectées ont développé une maladie grave évoluant très rapidement vers une pneumonie mortelle, relève la directrice de l’OMS. Ce scénario diffère sensiblement de celui des épidémies de grippe saisonnière, qui cause des victimes avant tout chez les personnes âgées fragilisées.»
La dernière pandémie mondiale de grippe remonte à la grippe de «Hongkong» qui a tué entre un et deux millions de personnes, entre l’été 1968 et le printemps 1970. La pandémie de grippe A(H1N1), qui n’en est qu’à un stade initial, ne pousse toutefois pas l’institution onusienne à exiger des Etats qu’ils restreignent les déplacements et ferment leurs frontières. Margaret Chan en appelle à la solidarité mondiale: «Nous sommes tous embarqués dans la même épreuve, nous devons la surmonter ensemble.» Certains pays déjà fortement touchés par la contamination au H1N1 connaissent peut-être une accalmie, «mais ils ne sont pas à l’abri d’une deuxième vague».
Officialisée, la pandémie déclenche une grande mobilisation des producteurs de vaccins. Les entreprises pharmaceutiques ont toutes reçu le matériel nécessaire à la production du vaccin, précise Marie-Paule Kieny, directrice de l’Initiative Recherche sur les vaccins à l’OMS. Mais les premières doses ne seront pas disponibles avant septembre de cette année. Certaines pharmas ont déjà commencé la production, d’autres débuteront la semaine prochaine. Selon l’OMS, 4,9 millions de doses devraient pouvoir être produites en un an. Des recommandations devront encore être établies pour déterminer les groupes qu’il convient de cibler en priorité dans le cadre de la campagne de vaccination.
Le fabricant suisse Roche a offert des licences de production à plusieurs sociétés. Il a fait un don de 5 millions d’antiviraux déjà distribués dans 121 pays. Margaret Chan déclare par ailleurs avoir poussé les entreprises pharmaceutiques à autoriser la production de génériques, afin de permettre aux pays plus démunis et dotés d’un système de santé lacunaire d’accéder à des vaccins abordables.
Dans la décision de passer à la phase 6 du plan d’alerte pandémique, les considérations économiques «n’ont de loin pas été un facteur essentiel», avertit le sous-directeur général de l’OMS, Keiji Fukuda, qui admet néanmoins que le Mexique a économiquement souffert de la crise liée à la grippe A. Au plan international, on n’entend pas dramatiser. A Bruxelles, on ne voit «aucune raison de céder à la panique». Antonio Tajani, membre italien de la Commission européenne, a exprimé son scepticisme quant à la gravité de la situation: «Je suis toujours très prudent quand on déclenche des alarmes concernant la santé.» Aux Etats-Unis, la secrétaire à la Santé, Kathleen Sebelius, n’est pas surprise par la décision de l’OMS: «Nous avons déjà activé nos plans anti-pandémie et avons tout entrepris pour maintenir la population aussi en sécurité que possible. […] Les choses pourraient changer en automne. C’est pourquoi nous devons commencer à nous préparer, afin d’être prêts pour mener une campagne d’immunisation à la fin septembre.»