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Main de velours dans un gant de cuir

La rentrée prend des gants. Pour avoir sous la main l'élégance des années 40 et la tension du combat.

La mode met des gants cet automne. Pas forcément par esprit diplomatique. Non, si les mains et les bras féminins se couvrent, c'est surtout pour raconter des histoires de faussement faibles ou de pas si fortes. Pour souligner des réalités contradictoires, comme la fragilité du corps et la détermination de la main à agir. Comme la légèreté des vêtements, (promesse d'un été en décembre) et la dureté des jours où on les porte.

L'accessoire se fait long, voire très long. Jusqu'à mi-bras, souvent. Lorsqu'il est en laine ou en coton crocheté, le gant a des allures de collants (sans jarretière) pour filles frissonnantes. A l'autre bout de la panoplie, on peut préférer les moufles. La maison italienne Marni a carrément opté pour la version sports d'hiver ou combat de boxe, portés par des descendantes Inuits en mini-robes.

Mais le gant, le vrai gant de la rentrée est en cuir. La peau de bête a toujours été un argument sensuel, le voilà désormais sécuritaire. Il peut être paré de clous tout comme les chaussures et les sacs, ou capitonné. Burberry, qui s'est emparé du cuir matelassé de Mademoiselle Chanel, fait le gant, gros, épais, lustré: c'est le gant carapace, l'exosquelette d'un animal en péril parmi les humains. Qui se cache donc sous ces membres articulés de mutant? Est-ce une survivante de la guerre des étoiles ou une phobique de l'enfer chimique? Est-ce que tout être croisé en chemin sera forcément son ennemi? Au cas où, le gant est là. Ce n'est plus un accessoire, cette deuxième peau, c'est un nécessaire de survie. A usage prophylactique, comme aux origines: un gant qui protège de l'impur, des poisons, des poignées traîtres.

Gant de fer pour main de velours? Presque mais pas totalement. Car le gant de cet hiver veut réunir dans un même claquement de doigts la tenue de combat et l'élégance ultra-femelle des années 40. Donc l'archétype du gant revenu, c'est le gant noir. Le gant de femme serpent, oui, dont Rita Hayworth livrait une belle version dans Gilda. On était en 1946. A l'époque, un gant en disait long. Mais ce gant-là vivait de nuit, affolait lorsqu'il s'effeuillait. Alors que le long-gant-noir d'aujourd'hui est sur le qui-vive 24 heures sur 24. N'empêche, il invite toujours une armada fétichiste sur des sobres pulls en laine fine ou des bras ingénus. La Gilda 2007 a pris de la graine. Du grain aussi, des coutures ou des lisières qui font cicatrices. Des plis, lorsque les gants sont ramenés vers le poignet, Des rondeurs de manches ballons (Moschino), parfois des couleurs vives. Voire, mais c'est plus anecdotique, des fermetures Eclair - Burberry encore - qui font du gant la cuissarde (la brassarde?) du cœur.

Loin le temps où le gant venait rappeler l'ordre du privilège: une femme ne doit rien faire de ses dix doigts, sinon sélectionner des baisemains, agiter un éventail ou un mouchoir. Quoique... Le gant nouveau est celui des contradictions. Il tient dans son poing serré des raffinements codifiés. Des puretés entretenues. Des distances pour caresser l'imagination.