Depuis 1994, date d'une modification de l'ordonnance fédérale sur l'état civil, les parents sont libres dans leur choix, ou presque. Seule restriction, plutôt floue, le prénom ne doit pas porter préjudice à l'enfant ni se limiter à une seule lettre. «Nivea» ou «Abruti» n'auraient guère de chance. Mais tout reste subjectif. Et, encore une fois, il s'agit de considérer et de tolérer les cultures étrangères, la tradition des parents. A Genève, on se souvient d'un couple de religion musulmane qui voulait appeler son bambin «Dieu». «Nous avons conseillé la mère de revenir sur son choix», explique une cheffe de section. En cas de problème, très rare, c'est la Direction cantonale de l'état civil qui entre en jeu à Genève. Tout cela peut aller jusqu'au Département de justice du canton.
Au-delà de l'origine des parents, c'est parfois leur goût pour le symbolisme, leur créativité, ou le temps passé devant les séries TV américaines qui s'expriment. Faisant fi des lois élémentaires de la linguistique et de l'euphonie, faisant parfois de la poésie en laissant rimer nom et prénom. Tiens, Alexanne, c'est bien sûr une combinaison du prénom du père et de la mère. En 1992, l'officier de l'état civil de Neuchâtel a refusé d'inscrire le prénom «Djonatan», en raison de sa graphie. Le Département de justice a déclaré mal fondé le recours des parents, qui sont allés jusqu'au Tribunal fédéral. En vain.
Même les stars rivalisent d'originalité. Les jumeaux de l'actrice américaine Julia Roberts s'appellent Hazel («Noisette») et Phinnaeus, un prénom qui serait dérivé de Pinhas, un prénom biblique. Au-delà des prénoms courts, et des diminutifs comme Tom, Léo ou Emma, très en vogue si l'on en croit le guide français La cote des prénoms 2005, on chérit les modifications orthographiques. Mélanie devient Mélanye ou Marine se mue en Maryne. Le même guide place Enora, Logan, Titouan, Gabin au rang des prénoms de demain.
Pourtant, les statistiques, pour le moins en Suisse, penchent plutôt vers le classique et la pérennité. En 2003, Alexandre et David se sont partagé la première place du hit-parade masculin en Suisse romande. Place occupée depuis1997 par Luca en Suisse alémanique. Et chez les filles, c'est Lea qui caracole en tête des deux côtés de la Sarine.
Avec les nouveaux prénoms, les fichiers de la ville sont enrichis, sourit Elisabeth Meyer, directrice de la division naissance de l'état civil de Zurich. «Je peux vous dire que Dada figure dans notre dictionnaire international des prénoms, pour fille et garçon. Aux côtés de Dado et avec des références italiennes.» D'ailleurs, selon une source bien informée, le petit Dada né le 6 février dernier aurait déjà un homonyme dans la ville alémanique.