Ne jamais se fier aux apparences, dit l’adage. Au fond d’un chemin qui serpente à travers un verdoyant lotissement d’immeubles en béton se cache, au rez-de-chaussée d’un édifice grisâtre, un cabinet médical pas comme les autres à Genève. Et pourtant, c’est le lieu qu’a choisi Marie Moatti pour écouter ses patients et les réorienter vers une forme de nutrition qu’ils ont oubliée depuis longtemps, voire jamais connue. Une femme qui compare le cheminement de la médecine vers une approche alternative à «la transformation du charbon en diamant grâce au simple réarrangement des atomes de carbone».

Née à Paris, la petite Marie dévore dès son plus jeune âge les gâteaux que son grand-père va chercher tous les dimanches chez les pâtissiers les plus en vogue de la capitale. Son père poursuit son éducation culinaire avec une exigence alimentaire tous azimuts, car la qualité des produits est un précepte de vie chez les Moatti. «Quitte à ne pas manger», se remémore-t-elle.

Pas de malbouffe

Les courses se font dans les meilleures boucheries, poissonneries et maraîchers de Paris. Côté fourneaux, sa mère, cordon-bleu, prépare une cuisine méditerranéenne avec des influences juives d’Afrique du Nord. «Tout part de là. Je ne me posais pas de questions sur la nourriture car j’étais comblée et, de facto, je n’ai jamais eu besoin de compensation alimentaire.» Pas de barres chocolatées mais des gâteaux faits maison, pas de conserves mais des légumes frais. Aucun risque de prendre la direction de la malbouffe.

Après son baccalauréat, Marie se dirige vers des études de pharmacie, qui la passionnent. Mais elles ne reflètent pas le monde professionnel: en stage, derrière les comptoirs, elle se retrouve à vendre des shampoings et des crèmes pour les mains. «Nous n’avions pas notre mot à dire en termes de conseil et étions à la botte du médecin. Avec, en plus, l’obligation de faire du chiffre», se souvient-elle.

Un drame pour celle qui s’intéresse à une forme d’accompagnement et aux soins à la personne. Comment prendre une orientation plus médicale? Au terme de six années d’études, les prolonger pendant quatre ans! Elle rejoint l’internat de médecine en effectuant une spécialisation en biologie médicale: maladies du sang, pathologies infectieuses, troubles métaboliques, dysfonctionnements hormonaux… Tout y passe. «Je me suis retrouvée bardée de diplômes, derrière des microscopes, mais sans patients.»

Au plus proche de l’être humain, enfin

En prenant la direction d’un laboratoire d’analyses médicales pendant cinq ans, elle est enfin au plus proche de l’être humain. Elle comprend que le monde hospitalier est un microcosme à part, loin de la réalité. «L’hôpital extrait le patient de ses habitudes, de son monde, de ses proches et de toute sa vie! Notre médecine conventionnelle, aussi performante soit-elle, ne donne pas toutes les réponses. Elle découpe l’être humain en mille morceaux et l’oublie dans sa globalité.»

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Coincée entre son confort professionnel et sa conscience, Marie Moatti s’interroge sur son avenir. Et si la médecine qu’elle apprend depuis onze ans n’était pas parfaite? «La remise en question n’existe pas dans un système de pensée unique. Il fallait que je sorte de ce carcan.»

Toujours en place dans son laboratoire parisien, elle sonde et questionne ses patients sur leurs habitudes du quotidien. La nutritionniste en devenir se rend compte à quel point les gens se nourrissent mal. Parallèlement, son mari décroche un poste de chef de laboratoire en hématologie aux Hôpitaux universitaires de Genève. L’occasion de profiter du changement et d’amener la famille dans la Cité de Calvin. «Je me suis sentie libérée et déterminée à ne pas chercher un poste de biologiste en Suisse.»

Manger est un besoin fondamental, mais se nourrir est un choix conscient

Marie Moatti

Marie réorganise alors «les atomes de carbone» de sa vie et change son regard sur l’accompagnement thérapeutique. «Ce qui était opaque est devenu limpide. La nourriture, c’est le socle de tout, et ça passe entre autres par la micronutrition.» Dès son arrivée à Genève, elle suit une formation à Lausanne à la Société suisse de micronutrition ouverte aux professionnels de santé et enchaîne avec la préparation au diplôme fédéral de naturopathie. Il est temps de se lancer.

Mais attention, il faut ne pas confondre diététique et nutrition. La première discipline est l’application des normes fixées par les instances de santé publique en termes d’apports nutritionnels conseillés (ANC), la deuxième est une approche holistique qui prend en compte tous les aspects de la personne et non pas simplement son assiette. «Leur contexte varie entre le professionnel et le familial, l’émotionnel et le spirituel. Manger est un besoin fondamental, mais se nourrir est un choix conscient», rappelle Marie.

Un objectif à atteindre

La première consultation consiste en une discussion autour de la problématique et de l’objectif à atteindre. «Le but est de redonner à une personne une nutrition physiologique qui lui corresponde, voire un programme de nutrithérapie lorsqu’il s’agit d’accompagner des patients souffrant de maladies chroniques. Le corps va naturellement retrouver son métabolisme de base. J’accompagne sans imposer une vision.»

Marie Moatti réapprend à ses patients à prendre soin d’eux en leur donnant les instruments pour y arriver. Apporter ce dont le corps a besoin, limiter ou enlever ce qui n’est pas nécessaire, le tout en accord parfait avec l’écosystème du patient. «Avons-nous envie d’acheter une barre chocolatée bourrée d’additifs ou une tablette de chocolat noir brut chez un confiseur?» Une prise de conscience élémentaire à travers l’alimentaire…

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Profil

1998 A 17 ans, une volonté d’être au service de l’humain.

2006 Naissance de sa fille.

2009 Naissance de son fils.

2011 Diplômée doctoresse en pharmacie, biologiste médicale après onze années d’études.

2016 Nouvelle vie en Suisse. Quitte la blouse de doctoresse pour devenir thérapeute en médecine holistique.