«Roger Federer est-il encore capable de battre les plus grands?» se demandait lundi La Libre Belgique dans un article titré: «Le jour de vérité approche». Et d’enchaîner, dans la foulée, les questions abyssales, qui auraient paru absurdes il y a à peine une année: «Que vaut encore réellement Roger Federer? La fin du mythe serait-elle proche alors qu’il n’a pu gagner qu’un titre cette saison et qu’il est retombé au 7e rang mondial? Ou le Suisse réussira-t-il à sortir de nouveaux coups de raquette magiques pour décrocher un 18e titre du Grand Chelem? La réponse va tomber cette semaine.»

La réponse est tombée cette nuit, et c’est un «coup de tonnerre à l’US Open!» pour Le Figaro. L’impensable s’est produit: «Roger Federer a coulé à pic d’une manière très inquiétante» – 7/6 6/3 6/4 – face au Catalan Tommy Robredo en huitièmes de finale. «Une nouvelle désillusion qui lui laisse une plaie béante sur sa saison en Grand Chelem», commente L’Equipe. «It all seemed so surreal»: le New York Times, lui, écarquille les yeux.

«C’est juste nul»

«C’est un champion triste, déçu de lui et sonné qui a quitté» l’arène tel un vieux lion fatigué: «L’heure de la remise en question a plus que sonné», en conclut Le Matin de Lausanne. D’ailleurs, le Bâlois le reconnaît lui-même: «C’est juste nul», a-t-il dit. «Je me suis en quelque sorte autodétruit», a-t-il renchéri. A ce propos, voir le compte rendu incrédule que Benoît Petit a fait de ce match pour l’Agence France-Presse… Ce match pitoyable où le Bâlois a «coulé», mais au contraire du slogan du Blick, «Roger Federer ist nicht mehr dabei», commente le journal sportif allemand Kicker. «K. O. debout», résume La Gazzetta dello Sport.

Du coup, la déception face à cette sortie par la petite porte gagne le bout des doigts des microblogueurs sans pitié qui tapotent avec rage AltGr3, dièse devant le nom du vaincu sur Twitter: «Profitons bien des quelques matchs que #Federer va encore jouer. Je pense qu’il n’en reste plus beaucoup»; «The Roger Federer we’ve known is gone»; «#roger #Federer for the god sake why?!!»; «Ça serait vraiment bien que #Federer arrête de jouer avant de devenir ridicule…» Mais il serait injuste de se limiter à ces commentaires dépités, il y en a tout autant qui s’expriment sur le ton du «Il faut sauver le soldat Roger». Comme s’ils n’osaient croire à une vraie sortie de piste.

«Il ne fait plus peur à personne»

Mais sur le site Tennisonline.fr, les propos de celui qui signe Le Toucan sont implacables: «En hockey sur glace, on appelle cela un blanchissage. […] Comment expliquer une telle dérouillée? La préparation tronquée du Suisse: en délicatesse avec son dos, Federer n’a pas beaucoup de victoires dans sa besace. Un manque flagrant de confiance. Il ne fait plus peur à personne. Avant, il avait créé un monstre que tous les adversaires craignaient et contre qui ils perdaient tous leurs moyens. Nadal a tué le monstre. […] [Il] a montré à la terre entière comment battre Federer.»

Un joueur «à court d’idées», estime pour sa part Le Nouvelliste. «Son brutal déclin se confirme», pour Eurosport.fr. «Cette élimination n’est pas forcément un tremblement de terre», mais on peut «parler d’un choc». D’ailleurs, «le public du court Louis-Armstrong […] est resté quasi muet sur la balle de match, comme s’il avait du mal à interpréter ce qui venait de se produire. Mais la réalité est là: Roger Federer est aujourd’hui un joueur ordinaire. Un bon joueur, comme il y en a beaucoup.»

«L’opposition s’est étoffée»

Pourtant, «certains analystes soutiennent que Federer joue aussi bien qu’auparavant, juge le commentateur de La Presse québécoise. S’il perd, disent-ils, c’est parce que l’opposition s’est étoffée. Je ne partage pas cette théorie, dont la fausseté vient de voler en éclats.» «Federer in three words: Nature follows art» (en trois mots: après l’art, le naturel): cité par la TagesWoche, voilà le tweet publié cette nuit par le très réputé journaliste sportif américain Jon Wertheim, qui considère lui aussi que le Suisse est arrivé à «un point sensible». «Son corps montre des faiblesses», dit-il, et «la vie de famille l’éloigne du centre des affaires sportives». Mais à 32 ans, s’adresse directement à lui le vétéran Boris Becker pour Sky UK, «tu te bats comme jamais contre le temps qui passe inexorablement».

L’intéressé, répondant aux questions de L’Equipe, demeure cependant optimiste. Et volontaire. A la question «comment voyez-vous la suite?» il répond: «Je vais définitivement retourner au travail et revenir encore plus fort. Il faut évacuer cette défaite aussi vite que possible parce que ce n’est pas comme ça que je veux jouer à partir de maintenant. Je sais que je peux mieux jouer que ça, je l’ai prouvé ces dernières semaines. […] Je crois que si je joue bien, j’aurai des résultats. […] La priorité, pour moi, c’est de mieux jouer.»

«Purée je suis dégoûté»

Le site de discussion WeLoveTennis.fr propose, lui, le thème «La catastrophe Federer». Le dénommé «ibrahimovic94» y dit simplement: «Purée je suis dégoûté». Tandis que «mandoline» se montre à la fois réaliste: «Catastrophe? Ah bon, quelqu’un est mort? Ah, non, c’est juste un mec qui a perdu un match de tennis… Faudrait peut-être penser à se calmer avant de choisir les titres… Tout le monde, quoi qu’il arrive, finit par être rattrapé par l’âge, et c’est d’une terrible banalité, rien de catastrophique… Les fans de Roger sont tristes, certes, […] et ceux qui ne l’aiment pas sont contents… Bon… comme dit Cendrion sur un autre fil, la terre ne va pas s’arrêter de tourner…»

Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir été élu «meilleur joueur de tous les temps», après tout.