En quelques années, ils se sont fait un nom bien au-delà des limites du design. Andrea Trimarchi et Simone Farresin sont Italiens, ont étudié à la Design Academy d’Eindhoven et vivent à Amsterdam. En 2011, ils fondaient Formafantasma, bureau de design alors en total décalage, mais visionnaire dans son utilisation d’un vocabulaire pris à la nature, sa recherche de savoir-faire traditionnels et son inspiration qui puise dans l’histoire à travers la matière et sa mémoire.

Depuis, leurs pièces sont entrées dans les collections du Centre Pompidou de Paris, du MoMA de New York et du Rijksmuseum d’Amsterdam, où ils viennent de créer la scénographie de l’exposition Caravaggio-Bernini en préférant les couleurs pastel à l’obscurité dramatique le plus souvent choisie pour présenter les maîtres du baroque italien. «Formafantasma signifie le désir de la forme, quelque chose de l’ordre de l’intangible, explique Simone Farresin. Nous avons choisi ce nom parce que Andrea et moi aimons que les choses bougent. Pour nous, la forme d’un objet est une conséquence, l’aboutissement d’une réflexion. Elle n’est pas le but principal de notre travail. Elle est un fantôme qui change d’aspect de projet en projet.»

Lire aussi: Le beau et le bien selon Mathieu Lehanneur

Matière volcanique

A Milan en 2014, la galeriste anglaise Libby Sellers présentait leur De Natura Fossilium, soit une collection d’objets en partie taillés dans les laves de l’Etna et du Stromboli. Et notamment une série de tables d’appoint auxquelles on trouvait alors comme un petit air de Memphis naturaliste. «Andrea est Sicilien. L’endroit est très touristique mais les volcans y sont toujours actifs, continue le designer. Leurs cendres sont la mémoire de ce lieu. Nous avons donc réfléchi à ce que nous pouvions créer à partir de cette matière. Avec la collaboration du centre de volcanologie et de deux ateliers de verrerie, nous avons fabriqué des objets en basalte, mais aussi développé un verre noir avec lequel nous avons produit de la vaisselle et des boîtes géométriques.» Fabriquée à partir de cendres volcaniques vitrifiées, la série Ex Cinere signait l’année dernière la première collaboration du duo avec Dzek, fabriquant de plaques pour la construction et la décoration.

Casque de légionnaire

En 2018, Formafantasma recevait la moitié des 100 000 francs du Hublot Design Prize grâce à leur collection Delta, qui trouvait son inspiration dans les fouilles archéologiques du sous-sol romain. Il y avait là de la vaisselle en porcelaine recouverte du rouge impérial éditée par la Galerie Giuistini / Stagetti. Mais aussi Helmet, une lampe en laiton dont la forme reprenait les larges paragnathides des casques antiques, ces pièces de métal qui protégeaient les joues des légionnaires. «C’est clairement notre travail le plus traditionnel, estime Simone Farresin. Nous sommes plutôt intéressés par l’expérimentation de la matière. Nous nous donnons du temps pour aboutir dans nos recherches. Récemment, nous avons réalisé un projet avec des déchets de l’industrie électronique. Nous avons mis deux ans pour comprendre quoi faire avec ces rebuts et comment engager le dialogue avec les ingénieurs qui ont travaillé avec nous.»

MacBook transformé

Le designer italien parle d’Ore Streams, projet lancé par la Triennale de Sydney en 2017 et pour lequel des boîtiers de MacBook, des serveurs informatiques et des grilles de four à micro-ondes se retrouvent transformés en table, étagère et bureau à la fois beaux et très contemporains. A l’heure où la durabilité devra sauver le monde, voilà qui prouve le rôle fondamental du designer.

A lire également: pour un art de l’écologie

Invités par les Serpentine Galleries de Londres, Andrea Trimarchi et Simone Farresin se sont ainsi penchés sur l’industrie du bois, l’une des plus florissantes mais aussi des moins régulées, et dont l’impact écologique est énorme. Consacrée à ce matériau que l’homme utilise depuis la nuit des temps, Cambio se déroule comme une expo-dossier. A travers des archives historiques mais aussi des nouvelles pièces de design, taillées dans un arbre balayé par la tempête qui a frappé le nord de l’Italie en 2018, les deux designers alertent sur cette ressource que l’industrie est en train d’épuiser.

Lustre-balancelle

Intello à tendance conceptuelle, Formafantasma apparaît peu sur le circuit d’un design, disons, plus commercial. Sauf avec la marque de luminaire Flos, avec qui ils collaborent depuis 2017. Après WireRing, le duo dévoilait il y a deux ans WireLine, lustre-balancelle qui existe en deux versions. «Des lampes que nous avons dessinées, c’est celle que nous aimons le plus, reprend Simone Farresin. Nous avons essayé de créer un objet qui soit aussi atemporel que possible, comme un outil peut l’être. Nous avions aussi envie de travailler sur le lien entre la lumière et le câble électrique, qui devient la partie la plus importante de la lampe.»

formafantasma.com