Les trois chemises de nuit, qui semblent s'être autoproclamées sentinelles du troupeau de robes exposées à Yverdon, ont été léguées par une certaine Antigone Sossidi. Rubans sous les seins, monogrammes brodés en lettres grecques. On les verrait bien portées, de jour et dehors, sous cette canicule, par une très jeune fille. Stop, sacrilège, ces trois chemises de nuit veillant comme des servantes de théâtre sont des reliques, tout comme les autres robes réunies par le Musée de la mode d'Yverdon, dans une salle du château de la cité vaudoise.

Combien sont-elles? Plusieurs dizaines de toilettes au garde-à-vous, parfois armées de sacs richement brodés ou de chaussures recouvertes d'un tissu assorti. La plupart sont des robes haute couture, sorties d'ateliers parisiens (ou reproduits sur Lausanne), léguées récemment au musée par des familles romandes. Il y a là une ou deux merveilles, comme cette robe Balenciaga, «don de Mme la comtesse Decazes», drapée dans son architecture silencieuse, et dont le gazar marine flirte avec la nuit. Il y a aussi des curiosités comme ce corset (donation anonyme, début du XXe siècle), enserrant à tel point la taille que les deux mains d'un amant gringalet devaient suffire à en faire le tour (45 cm de périmètre!). Il y a là encore de quoi mesurer le chemin – et surtout les détours – parcourus par la silhouette féminine, ces cent dernières années. Quels méandres, vraiment, entre telle robe de coton bleu de Gênes travaillant à plier le corps féminin en forme de S, et tel tailleur un poil rigoriste de Saint Laurent, où tout est calculé pour libérer et alléger le corps déjà las, sans doute, d'une belle bourgeoise impeccable… Le tout forme donc une petite exposition temporaire intéressante, qui ne fera certes pas tomber les chaussettes du grand public néophyte mais qui titillera les spécialistes ou les amateurs de détails rêveurs.

Plus intéressant: l'essor tranquille mais constant que prend le Musée de la mode d'Yverdon. En vingt ans, 3000 vêtements ont été reçus, souvent donnés par des héritiers ne disposant plus de greniers ou de garde-robes assez vastes pour les entreposer. L'institution ne dispose pas de lieu d'exposition fixe, ce qui explique, actuellement à Yverdon, une scénographie un rien pauvrelette. Mais elle commence à tirer parti de son nomadisme forcé. Ses collections sont en effet de plus en plus demandées pour des vitrines, et ses services sollicités pour animer des soirées, via des défilés de mode thématiques. Une preuve de plus, s'il en fallait, que la mode est aujourd'hui un spectacle, un spectacle presque comme un autre.

«Zoom, cadrage sur la haute couture», exposition. Yverdon, Château. Jusqu'au 31 août. Ma-di, 10-12h et 14-17h. Rens. 024/425.93.10 (Château) ou 024/426 31 64 (Musée).