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Nachbar. Du sport, et rien de plus?

Nachbar.

Soyons heureux! La Suisse est un pays tonique. Les Jeux olympiques de Turin l'ont prouvé. Nous avons volé la vedette à de grandes nations comme la France ou l'Italie dans le classement des médailles. Quel ennui que notre ennemi juré, l'Autriche, ait encore fait mieux! Et, en ce moment de gloire, oublions que ce sont les disciplines de niche qui nous ont permis cet exploit inattendu.

La Suisse, une nation sportive. Mais cela n'est pas une découverte révolutionnaire. Rares sont les pays où les centres de remise en forme fleurissent comme chez nous. Rares les contrées avec autant de piscines couvertes par rapport à la population. Et, depuis peu, avec autant de golfs. Et connaissez-vous dans ce pays un endroit ou une forêt où vous pouvez vous promener tranquillement sans être tout le temps importuné par un joggeur gémissant ou un cycliste à vive allure doté d'un visage de lutteur?

Même nos ministres donnent une image sportive. La randonnée en montagne, c'est bien le minimum qu'un politicien puisse faire. Par exemple, le maire de Zurich, Elmar Ledergerber, se dépense trop. D'abord, il a subi un accident de vélo il y a cinq ans. Ensuite, il y a un an et demi, il a donné le coup d'envoi à la Fête de Zurich avec des béquilles, après un nouvel accident de sport. Et cet hiver, il s'est déchiré une fibre musculaire en jouant au badminton. Un malheur qui n'aurait jamais pu arriver à l'ancien conseiller fédéral Ernst Brugger, amateur de chemins de fer miniatures. Ou aux magistrats jouant avec des soldats de plomb.

Les politiciens envahissent les salles d'entraînement physique. Il me semble qu'Adolf Ogi a donné le signal de départ. Nos managers sont encore plus forts. Du nouveau chef de Swisscom, Carsten Schloter, on a appris ces jours qu'il fait au moins une heure et demie de sport chaque matin. Il n'est pas le seul. Nombreux sont les hommes et les femmes chargés de lourdes responsabilités qui se prescrivent à eux-mêmes des tortures corporelles.

En calculant l'investissement temporel nécessaire pour ce genre d'activités, en y ajoutant des journées de travail de douze heures, plus quelques heures pour le sommeil et des moments pour la famille, on ne peut éviter de se poser la question suivante: que font-ils d'autre? Leur arrive-t-il de lire un roman, de la poésie? Vont-ils parfois au cinéma ou au théâtre, pas seulement pour être vu, mais par intérêt véritable? Vont-ils parfois se promener dans un parc? Autrement dit: font-ils des choses qui ne sont pas seulement utiles pour leur bien-être physique ou leur avancement professionnel, mais qui sont essentielles au développement de l'esprit? Comme Churchill qui, chaque matin, restait longtemps au lit, et prenait ensuite un bain en lisant des journaux et des livres? Et qui a respecté ce principe: «No sports!»?