Noé, Rébecca ou Jésus sont des coaches de vie, foi de Marc Pernot
Religion
Un cycle de conférences organisé par l’Eglise protestante de Genève consacré à des héros bibliques se propose de nous faire réfléchir au sens de notre vie. Non-religieux, ne pas s’abstenir

«Notre culture vient des Grecs et de la Bible. Celle-ci est le livre le plus diffusé au monde (avec le catalogue Ikea paraît-il), il ne faut que trois heures pour lire un Evangile et il n’y en a que quatre. Et pourtant, combien de personnes les ont-ils lus? Il y a une distance culturelle par rapport à un texte parfois trop catalogué comme texte d’Eglise par ceux qui n’en font pas partie, et parfois trop sacralisé par les croyants. Je fais cela pour donner accès à ce pan de notre culture, rendre service.»
«Cela», c’est une série de courtes conférences que le pasteur Marc Pernot va donner à Genève à partir du 17 septembre à l'heure du déjeuner, consacrées aux héros bibliques. Dès le départ, le ton est donné: l’homme a de l’humour, le sens de la formule («Genève, c’est la Mecque du protestantisme», ont même pu titrer nos confrères de Réformés.ch), la volonté du service, et il s'est dédié à ceux désireux de nourrir leur réflexion sur le sens de notre vie. «On est content d’avoir de l’eau chaude dans sa baignoire et de voyager aux quatre coins du monde, mais la jeune génération ne se contente pas de cela pour donner un sens à sa vie.»
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Une religion ouverte
Ce sens s’est progressivement imposé à Marc Pernot lorsqu’il travaillait à l’Institut géographique national à Paris. Longtemps il a exercé des fonctions de prédicateur à côté de son emploi de cartographe en intelligence artificielle, avant un beau jour de sauter le pas et de «supprimer le travail et garder le loisir». Une vie nouvelle commencée à 40 ans, plus chiche, et qui l’a amené à Nîmes, à Nancy, à l’Oratoire du Louvre à Paris, puis à Genève, donc. «Nous avons été très touchés par l’accueil et le sens du collectif que nous avons trouvé ici.»
Le Français (dont un grand-père est né à Plainpalais, s’empresse-t-il de préciser) est arrivé en mai 2018 à l’invitation de l’Eglise protestante de Genève, avec sa femme. Lancé quelques mois plus tard, son site Jecherchedieu.ch accueille des vidéos de ses prédications du dimanche, que l’ex-ingénieur met lui-même en ligne, des homélies, des réflexions pour nourrir sa foi ou ses interrogations, et un forum de questions posées par les internautes, incongrues, touchantes, fortes, «Trop pauvre, je prends de l’argent dans la caisse à mon travail, j’ai peur, que faire?» voisinant avec «La Bible nous dit d’aimer notre prochain, et les animaux alors? Pourquoi manger de la viande?» ou «Comment Dieu n’a-t-il pas pu empêcher que des croyants deviennent pédophiles?» Patient, jamais dogmatique, toujours empathique, le pasteur rassure, donne des ouvertures, provoque la pensée. L'attente était là: ses statistiques Google – qu’il dégaine sur son smartphone – attestent 800 visites par jour, venues de France, de Suisse, du Canada et d’Afrique, et d’un temps de lecture moyen de deux minutes: de nombreux sites d’information aimeraient pouvoir en dire autant. Même si la déchristianisation est réelle, la pastorale électronique a l’avenir devant elle.
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Des héros pour tous les jours
«Les millennials ne veulent pas qu’on leur dise que penser et ils sont plus en recherche que ma génération, pour laquelle le confort ou les loisirs comptaient. Ou alors c’étaient des bigots.» Pour Marc Pernot, les héros bibliques stimulent la réflexion sur notre vie. Prenez Noé. Noé, ou comment gérer l’imperfection humaine. «L’humanité est violente, et Dieu, qui n’a pas tout en main, est déçu de sa propre création. Comment corriger ce problème? Le récit propose deux options, nourrissant notre réflexion: la première, garder les parfaits, Noé et sa famille, et effacer tous les autres; la seconde est de travailler avec l’autre tel qu’il est, c’est l’alliance avec l’humanité et les animaux, symbolisée par l’arc-en-ciel. Avec cette histoire de Noé, la Bible nous propose de faire évoluer notre théologie et donc notre façon d’être. Comment faire alliance avec cette violence? En entreprise, ne faut-il garder que les personnes au top du top, faut-il faire alliance avec les gens comme ils sont? Dans notre lecture de ce texte, nous sommes à la fois Noé et l’humanité violente, nous sommes aussi à l’image de ce Dieu qui évolue et fait au mieux face à la réalité.»
Signe des temps? Les héros bibliques retenus par le pasteur Pernot sont à 50% des héroïnes, une gageure alors que la Bible est très patriarcale. «Pourtant c’est Rébecca qui est lucide et prophète, contrairement à Isaac qui est aveuglé, c’est elle qui soutient Jacob le souffle, le spirituel, contre Esaü le chasseur qui produit, elle privilégie l’être sur l’avoir, c’est incroyable». Quant à Marie-Madeleine: «Celle que des romans à sensation présentent comme la compagne de Jésus transcende la finitude et la mort, avec sa démarche aimante de mémoire. C’est inattendu, subversif, voire choquant, que ce soit une femme qui soit l’héritière spirituelle de Jésus. Et c’est incroyable que les apôtres ne soient pas les héros absolus de ces récits, qu’ils reconnaissent ne pas toujours avoir été à la hauteur.»
Des questions riches plutôt que des réponses toutes faites, des outils qui veulent faire réfléchir plutôt qu’imposer une vérité transcendante révélée: à chacun de se former son chemin spirituel, libre, personnel. «La Bible passe par des récits pour faire réfléchir, là où à la même époque les Grecs développent une pensée plus spéculative. Nous sommes héritiers des deux et pouvons mettre les deux en dialogue.»
Cycle biblique les mardis de 12h30 à 13h30, du 17 septembre au 15 octobre 2019,
temple de la Fusterie, Genève.