O. J. Simpson a été remis en liberté conditionnelle
Etats-Unis
L’ancien footballeur accusé du meurtre de son ex-femme et de son ami mais incarcéré pour attaque à main armée a été libéré ce matin. Une libération conditionnelle qui ne signe pas la fin d’un feuilleton qui a tenu des millions d’Américains en haleine depuis 1994

Mise à jour dimanche 1er octobre, 10h15.
Plusieurs médias dont la BBC ou CNN annoncent la libération anticipée et conditionnelle de l'ex star du football américain O. J. Simpson, citant un officiel de la prison du Nevada où il était incarcéré pour purger initialement 33 années d'emprisonnement après un braquage à main armée à Las Vegas en 2007. Il en aura accompli neuf.
Nous republions le récit de notre correspondante aux Etats-Unis Valérie de Graffenried, consacré à une figure adulée, détestée, emblématique en tout cas d'une certaine Amérique.
La saga O. J. Simpson, l'envers du rêve américain
Amour, gloire et beauté. C’est ce qu’il incarnait. Et c’est probablement ce à quoi il aspire encore, à l’âge de 70 ans. O. J. Simpson, ancienne star du football américain, autant adulé que détesté, vit ses dernières heures en prison, après une saga judiciaire qui a tenu les Américains en haleine pendant près de vingt-cinq ans. Il sera libre «dès le 1er octobre». S’il peut faire une croix sur une chose, c’est bien le fait de retomber, un jour, dans l’anonymat. Car O. J. Simpson exerce une fascination qui confine à l’irrationnel.
Il aura passé ces dix dernières années en prison, après avoir été arrêté en septembre 2007, avec cinq complices. Reconnu coupable de douze chefs d’accusation, il a été condamné en 2008 à une peine de 9 à 33 ans de prison pour une affaire de vol à main armée dans un casino de Las Vegas; son but était de dérober des souvenirs sportifs. Mais c’est bien le sordide meurtre de son ex-femme et mère de ses deux enfants, Nicole Brown, et de son ami restaurateur, Ronald Goldman, le 12 juin 1994, qui a fait basculer O. J. Simpson du registre sportif au registre judiciaire, l’étiquette «people» en plus.
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Violences conjugales
Les victimes, retrouvées gisant dans des flaques de sang, ont été sauvagement poignardées – Nicole Brown avait la gorge tranchée. D’autres images marquantes de l’affaire reviennent en mémoire. Comme celle de la fuite d’O. J. Simpson, le 17 juin 1994, au lendemain de l’enterrement de son ex-femme, sur les autoroutes de Los Angeles. Une fuite filmée par des hélicoptères et retransmise en direct sur des chaînes de télévision. Inculpé du double meurtre, l’ancien champion est devenu pour beaucoup, dès cet instant, le coupable idéal. Il se rend à la police trois heures plus tard. On retrouvera des traces de son sang sur le lieu du crime et celui des victimes dans sa voiture, ainsi qu’à son domicile. O. J. Simpson a toujours plaidé non coupable. Sa réputation d’auteur de violences conjugales, à l’origine de son divorce, le rattrape.
Le procès a passionné des millions d’Américains, fascination qui s’est exportée au-delà des frontières des Etats-Unis. Forcément: tous les ingrédients étaient réunis pour en faire un celebrity trial haletant. Une enfance difficile – abandonné à l’âge de 5 ans par un père drag-queen qui meurt du sida en 1986 –, une belle blonde (Nicole Brown) qui semble avoir accumulé les conquêtes post-divorce, un statut de superstar noire vivant comme les Blancs dans un quartier huppé de Beverly Hills, des soupçons de racisme, avec de fortes pressions sur les jurés.
Le racisme latent de la police
S’y ajoute la personnalité du prévenu: un brin mégalo, suffisant, séducteur, manipulateur. Et surtout diablement charismatique. «The Juice» a des talents d’acteur, il l’a prouvé en campant plusieurs rôles à Hollywood, en particulier après avoir tiré sa révérence du football américain en 1979. Sexe, drogue, argent, trahison, violences, jalousies et déchéance: on retrouvait de tout cela dans la saga judiciaire. C’est aussi ce procès qui a rendu Robert Kardashian, père de la star de téléréalité Kim, célèbre en devenant l’un des premiers avocats d’O. J. Simpson.
La saga Simpson est bien plus qu’un procès ultra-médiatisé. C’est un condensé d’une certaine Amérique, avec ses travers, ses contradictions, ses divisions. Entaché d’irrégularités et de soupçons de corruption, le procès a connu de nombreux rebondissements. Les enquêtes policières se sont distinguées par des failles; elles ont révélé le racisme latent de la police de Los Angeles. Trois ans avant le procès, la ville avait été secouée par l’affaire Rodney King, automobiliste noir passé à tabac par des policiers blancs. L’acquittement des quatre policiers en 1992 a déclenché de violentes émeutes qui ont fait 55 morts. Le procès d’O. J. Simpson ne peut pas être dissocié de ce contexte, très chaud. Beaucoup d’indices mais trop d’incertitudes. Après neuf mois d’audiences retransmises en direct à la télévision, le colosse, la mâchoire serrée, est acquitté. Une décision qui a provoqué des réactions outrées. Le verdict a divisé l’Amérique. Deux tiers des Blancs le jugeaient coupable; 60% des Noirs le disaient innocent.
Il capitalise sur son statut de star
S’il a été acquitté au pénal en 1995, il a par contre été reconnu responsable de la mort de Nicole Brown et de Ronald Goldman lors d’un procès civil, en 1997. Il est condamné à payer 33 millions de dollars aux familles des victimes. Il ne le fera jamais. Il s’installe en Floride, où ses biens ne peuvent pas être saisis. Et vit en capitalisant sur son statut de star. Il se fait payer pour ses apparitions. Provocateur, il a même participé à un congrès de passionnés de tueurs en série. Une vie agréable jusqu’à ce qu’il décide de brandir une arme dans un casino de Las Vegas.
En juillet dernier, le verdict est tombé dans l’affaire de brigandage. O. J. Simpson a toujours assuré qu’il essayait de récupérer des trophées qui lui avaient été volés. Une des victimes a plaidé en sa faveur. La commission chargée de statuer sur sa libération par anticipation a du coup tranché favorablement. Même son avocat faisait mine de ne pas vraiment y croire. O. J. Simpson doit toujours des millions de dollars aux familles des victimes du double meurtre. Il cherchera à se blinder juridiquement. Il n’est en tout cas pas à plaindre: il devrait continuer à toucher sa retraite de footballeur professionnel, environ 25 000 dollars par mois.
Lors de sa dernière audience retransmise une nouvelle fois en direct sur les principales chaînes de télévision américaines, l’ancien joueur des Buffalo Bills est apparu très sûr de lui, en vidéoconférence, depuis sa prison de Lovelock (Nevada). Il a assuré vouloir «changer pour être une meilleure personne». Son dernier effort de rédemption.
Les principales dates:
13 juin 1994 La police trouve les corps poignardés de l’ex-femme de Simpson, Nicole Brown, et de l’ami de celle-ci, Ronald Goldman, dans un appartement de Los Angeles.
3 octobre 1995 O. J. Simpson est déclaré non coupable du double meurtre, après un procès retentissant retransmis en direct.
4 février 1997 Il est jugé, au civil, responsable des deux meurtres et doit payer 33 millions de dollars aux familles des victimes. Ne l’a jamais fait.
13 septembre 2007 Est arrêté à Las Vegas pour vol à main armée et enlèvement.
20 juillet 2017 Obtient sa libération conditionnelle, prévue au plus tôt le 1er octobre.