La lecture du memorandum dressé par Mike Charlton, disponible sur Internet (www.oranous.com), est en effet troublante. Il y a d'abord le rappel des faits et des éléments à charge retenus lors du procès qui ont conduit à la condamnation à mort d'Odell Barnes. Helen Bass, une infirmière de 42 ans, est retrouvée assassinée, gisant nue sur son lit dans une mare de sang, le 30 novembre 1989 vers 16 h 00. Elle est morte d'une balle dans la tête après avoir été violée, battue et blessée d'un coup de poignard dans le dos. Très vite, les soupçons se porteront sur Odell Barnes, 21 ans à l'époque. La police relèvera ses empreintes digitales sur la lampe de chevet et des traces de son sperme sur le lit de la victime. Mais ceci n'avait rien d'étonnant puisque Odell et Helen était amants à l'époque du meurtre. Un témoin oculaire accablera cependant Odell, qu'il dit avoir vu escalader la haie du jardin d'Helen le soir du crime. Le jury, entièrement blanc, ne s'embarrassera pas des détails, malgré les dénégations d'Odell Barnes, un repris de justice qui traînait déjà des condamnations antérieures pour viol et vol.
La contre-enquête révèle pourtant de nombreuses anomalies. Il y a d'abord des nouveaux témoins. Elisabeth Holley par exemple, une infirmière de l'hôpital de Wichita Falls, affirmant que lorsque le crime fut annoncé à la télé, un de ses patients, Homer Kines, lui aurait dit qu'il connaissait le vrai criminel. Un certain Johnny Ray Humpries, qu'il a vu sortir de chez la victime la nuit du crime. Mais Kines n'a pas osé parler à l'époque, par peur des représailles.
Il y a aussi Sandy Durant, qui dit avoir entendu Marquita Mackey, une femme qui partageait sa cellule, affirmer avoir hébergé la nuit du crime trois hommes couverts de sang, qu'elle a identifiés sous les noms de «Pat», «Delbert» et «Johnny Ray». Selon Marquita, les hommes lui réclamaient des vêtements propres. Johnny Ray l'aurait même menacée si elle ne s'exécutait pas. «Je te tuerai comme j'ai tué Helen Bass.» Une autre femme corroborera cet incident. «Mais nous n'avons jamais réussi à mettre la main sur Marquita», explique au Temps Michael Charlton, «nous ne savons même pas si elle vit toujours au Texas.»
Il y a encore David Block, le tenancier d'un bar de Wichita qui dit avoir entendu Johnny Ray se vanter d'avoir commis le crime à son comptoir, il y a plusieurs années. Michael Charlton ne comprend pas pourquoi Block a attendu si longtemps pour parler. «Ses explications ne m'ont pas convaincu.» Toujours est-il que Block, mû peut-être par la mauvaise conscience, a cherché ces tout derniers jours à contacter le procureur Barry Macha, sans succès. «Macha n'a jamais rappelé», précise l'avocat. Johnny Ray dément, évidemment. Et puis, il y a ces deux taches de sang, retrouvées sur la salopette verte que portait Odell Barnes la nuit du meurtre. Certes, il s'agissait bien du sang de la victime. Mais les contre-enquêteurs découvriront des traces de conservateurs chimiques dans le sang prélevé sur la salopette d'Odell. Pour les avocats l'évidence s'impose. Ce sang n'a pu provenir que du laboratoire où des échantillons du sang d'Helen étaient conservés, et a donc été déposé après coup, probablement par la police, pour incriminer son suspect. Ces évidences n'ébranleront pas le procureur qui refuse de rouvrir le dossier et… de parler à la presse.
Rien n'y a fait, ni les appels de grâce, ni l'intercession du pape Jean Paul II et de plusieurs politiciens français dont Jacques Chirac, Lionel Jospin et Jack Lang. Odell Barnes avait déjà épuisé toutes les voies de recours. Le gouverneur George Bush a refusé de lui accorder un sursis de 30 jours pour l'examen de son dossier. Sans état d'âme.