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Le pacs helvétique est lancé

Malgré une forte opposition de l'UDC et de l'Union démocratique fédérale, et un probable référendum en vue, le Conseil national a accepté à une large majorité d'entrer en matière sur le projet de partenariat enregistré pour les couples de même sexe.

«Je suis assez soulagée», admet Anne-Catherine Menétrey (Verts/VD), porte-parole de la commission du Conseil national pour le projet de partenariat enregistré. Les députés ont accepté à une large majorité (125 voix contre 55) de légiférer sur le pacs à la suisse. Ce, malgré l'opposition viscérale de l'Union démocratique fédérale et de l'UDC. Le rejet du parti de Christoph Blocher s'inscrit dans le contexte des élections au Conseil fédéral et vise à affaiblir Ruth Metzler, «mère» du projet. Le National se réunit encore aujourd'hui pour débattre de l'adoption, interdite dans le projet de loi tout comme la procréation assistée. Mais le premier pas a été franchi hier, et les couples homosexuels peuvent raisonnablement espérer une loi fédérale à l'horizon de 2005.

Yves de Matteis, ancien secrétaire romand de Pink Cross, salue cette avancée. Pionnier du pacs suisse en tant que membre du comité «Mêmes droits pour les couples de même sexe» à l'origine de la loi fédérale avec l'initiative parlementaire de Jean-Michel Gros. Il a aussi été, avec son partenaire, le premier pacsé de Suisse en 2001.

«Lorsque nous avons signé le contrat de partenariat, ce n'était pas vraiment intime, se souvient-il. Il y avait la télévision, les journalistes. Nous étions plus conscients de l'impact historique de ce moment que de son aspect privé. Ensuite est venu le sentiment d'un engagement personnel et, surtout, celui d'être accepté par l'Etat qui nous donnait des droits comme aux autres citoyens. Pour la première fois, nous nous sommes réellement sentis bienvenus en République et canton de Genève. Alors, une loi fédérale nous liant en tant que couple homosexuel, cela signifie une reconnaissance comme citoyens suisses à part entière.»

A Genève, le pacs est avant tout symbolique, il ne donne pas de droits, si ce n'est l'accès aux dossiers médicaux. «C'est une reconnaissance de vie commune, mais en aucun cas un mariage», commente Rachel Schaerer, à la Chancellerie. Elle connaît tout du pacs et s'applique à ce que la signature du contrat s'effectue dans une ambiance chaleureuse, bouquet de fleurs à l'appui.

La loi fédérale en préparation va beaucoup plus loin. Elle prévoit par exemple une «rente de veuve», un point qui sera discuté aujourd'hui. Mais elle exclut l'adoption et le recours à l'insémination artificielle. «Que l'on soit pour ou contre le fait que des homosexuels forment un couple parental, il me semble erroné d'inscrire ces interdictions dans cette loi, commente Yves de Matteis. Cela devrait faire l'objet d'un autre débat. On devrait y réfléchir dans le cadre des droits de l'enfant.»

Contrairement aux cantons alémaniques qui attendent la législation fédérale, les Genevois tiennent à garder leur propre pacs, en complément à la future loi. «L'esprit du pacs genevois, c'est la non-discrimination. Homos et hétérosexuels peuvent en profiter. Le premier couple hétérosexuel à avoir signé le contrat de partenariat genevois l'a fait car il respectait mieux que le mariage les intérêts de leurs enfants nés d'une précédente union, pour des questions d'héritage.»

Le besoin d'établir un contrat entre personnes du même sexe reconnaissant leur lien est né bien sûr des situations totalement injustes survenues à la mort d'un des partenaires, lorsque la famille venait récupérer un héritage qui aurait dû aller au survivant. Mais le refus d'accorder des permis de séjour dans les couples binationaux a également joué un rôle moteur.

Si les Chambres n'en dénaturent pas trop le texte, le pacs helvétique devrait ressembler beaucoup au mariage. Selon un avis de droit de Jean-François Aubert, spécialiste du droit constitutionnel, le partenariat, voire le mariage homosexuel, ne sont pas en contradiction avec le droit au mariage, protégé par la Constitution.