ÉDITORIAL. A peine nos libertés restreintes, «l’animal social» en chacun de nous tourne en rond dans sa cellule familiale, et soudain ce constat: sans collectivité, nous ne sommes rien

Il semble déjà si loin le temps des apéros entre collègues ou de l’immense tablée du samedi, une oreille semi-blasée sur la conversation et un œil sur nos smartphones. Ensemble physiquement mais chacun sur nos écrans, trop occupés à être nulle part et partout à la fois. C’était la semaine dernière.
Aujourd’hui, l’essentiel éclate soudain à nos yeux comme le printemps à nos fenêtres. Nous serions nombreux à payer cher pour une fête, une vraie. A multiplier les invitations «dès que ce cauchemar sera derrière nous». A rêver de prendre dans nos bras un parent octogénaire ou une sœur immunosupprimée à quelques heures de train ou d’avion, parce qu’au fond on ne sait pas ce que les prochaines semaines nous réservent.
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Qu'apprendre?
Notre salut tient en la question: qu’est-ce que cela nous apprend, individuellement, collectivement? Les leçons seront nombreuses, il est trop tôt pour les tirer. Sauf une, peut-être, qui semble s’être imposée au fil des heures dans tous les foyers: le paradis, c’est les autres.
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L’individu, glorifié ces dernières années, n’est rien sans la collectivité. A peine nos libertés restreintes, «l’animal social» en chacun de nous tourne en rond dans sa cellule familiale. A peine les écoles sont-elles fermées que l’importance cruciale de l’éducation publique se fait sentir. Et que dire de la reconnaissance envers ceux qui n’ont pas d’autre choix que de travailler pour que nous puissions nous alimenter, nous soigner?
Nos interdépendances
Nos interdépendances et nos vulnérabilités, à chaque échelle de la société, nous sont d’un seul coup révélées. Dans une course effrénée à la productivité et au consumérisme, qui aurait cru hier encore que des mégapoles industrialisées lanceraient un recensement systématique des «personnes fragiles et isolées»? Qui aurait parié un centime sur une séance extraordinaire du Conseil fédéral qui martèlerait l’importance de la «solidarité»?
Tous confinés, nous tentons d’apprendre de ceux qui, un temps moqués derrière leur masque à l’autre bout du monde, pensent des solutions pour maintenir le lien. Nous écoutons scientifiques et philosophes pour tenter de faire sens – et soudain l'importance de l'information fiable et de qualité est une évidence. Nous étoffons nos relations avec les moyens du bord, des petites pensées, des appels. Histoire de dire de loin à nos voisins que nous sommes là, et à ceux qui nous sont chers que nous les aimons. Dire de la fenêtre ou du balcon à ceux qui sauveront peut-être leur vie: merci.
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