Chaque début de semaine, «Le Temps» propose un article autour de la psychologie et du développement personnel.

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Semi-confinement au printemps, retour en présentiel – ou non – le 11 mai, vacances d’été sans grande chevauchée, reprise timide en septembre avec un accent mis sur la révision et puis, ces jours, nouvelle flambée du covid qui modifie à nouveau les modes d’enseignement… L’école est bousculée par la pandémie, et les élèves, comme les parents, angoissent souvent face à ces chambardements.

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«Il y a deux types de dommages fréquemment évoqués», confirme Isabel Pérez, coach scolaire à Lausanne. «D’une part, à la rentrée, beaucoup de jeunes ont eu la sensation de ne plus rien savoir après le confinement, d’avoir oublié ce qui leur avait été enseigné avant. D’autre part, ces jours, les parents s’inquiètent des nombreuses absences, chez les élèves comme chez les enseignants, causées par l’explosion des cas de covid. Ils craignent une désorganisation qui pénaliserait l’apprentissage.»

Carences liées au confinement

Directrice d’IP Coaching, une école privée lausannoise qui prodigue aux 10-18 ans soutien scolaire et formation, la professionnelle propose des solutions. L’idée-force? «Redonner à l’élève son rôle d’acteur. Avec l’enseignement à distance, certains jeunes sont restés passifs devant l’écran. Ils doivent retrouver un élan.»

Qu’en est-il des carences d’apprentissage provoquées par le semi-confinement? Isabel Pérez relativise. «On parle toujours de seize semaines sacrifiées. En réalité, si on enlève les deux semaines de vacances de Pâques et la fin juin qui est assez dispersée, l’enseignement à distance a en fait duré douze semaines. C’est déjà beaucoup, mais ça ne représente finalement qu’un quart du programme annuel. Quand les parents et adolescents viennent me voir avec ce sentiment de temps perdu, je les rassure en leur disant que le déficit n’est pas si prononcé.»

L’art du vélo

Ce qui préoccupe plus la professionnelle, par contre, ce sont les élèves qui ont désappris à apprendre. «Quand on fait du vélo trois fois par semaine et qu’on s’arrête subitement pendant trois mois, c’est dur de recommencer. Impossible en tout cas d’attaquer un col à froid.» Comment les aider à retrouver le goût de l’ascension? «En roulant avec eux! Fréquemment et pas longtemps. Il vaut mieux qu’un parent aide à réviser un vocabulaire allemand trois fois par semaine pendant dix minutes plutôt qu’il se plonge un après-midi entier dans un devoir de mathématique.»

La spécialiste propose aussi d’intégrer l’école à la vie. «On sait que l’on n’apprend jamais aussi bien qu’en expliquant. Plutôt que poser la question rituelle: «C’était bien aujourd’hui?» pourquoi ne pas aller plus loin et demander à l’enfant d’expliquer en détail une règle ou un théorème enseignés à l’école? En étant plus précis et plus curieux, on montre son intérêt et on valorise le savoir acquis.»

«Je suis sûre que tu vas y arriver»

Les parents peuvent également tirer parti de la période automnale. «Pour le moment, on est au début de l’année scolaire. Les notes sont encore rares. L’hiver va être long et difficile, mieux vaut garder des forces pour les évaluations de février et privilégier le lien aux remontrances.»

De manière générale, la pédagogue incite les parents à insister sur ce qui va, à positiver. Les effets sont renversants. «Souvent, quand je donne un soutien scolaire, je pose ma main sur l’épaule du jeune qui bute sur un problème et lui dis: «Je suis sûre que tu vas y arriver.» Croyez-moi ou non. Soit il y arrive de fait, comme si je lui avais donné la permission de réussir, soit il se met à parler de son ressenti et parvient à mieux identifier ce qui le freine.»

C’est l’élève qui étudie, pas ses parents

Elle est là, la clé du succès, pour Isabel Pérez, qui a été enseignante dans le public: rendre l’élève acteur de son apprentissage. «Souvent, avec l’angoisse d’un monde compétitif ou, comme maintenant, d’un monde qui flotte dangereusement, les parents veulent être rassurés et imaginent à la place de leur enfant ce qui serait bon pour son avenir. Je comprends bien ce souci, mais il n’y a pas plus inefficace.»

Chaque fois qu’elle reçoit un élève en difficulté, la pédagogue commence par lui demander comment il se sent et qu’est-ce qu’il serait prêt à faire pour s’améliorer. «Souvent, il a des idées, des envies. Mais si l’école l’indiffère, je cherche avec lui quels sont les secteurs qui l’intéressent. Si c’est la musique, pourquoi ne pas lui demander d’imaginer un projet de musique bien ficelé à réaliser en trois mois? Le simple fait de construire un projet et de se discipliner peut le ramener sur le chemin de l’école.»

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Dans le même esprit, la spécialiste invite à élargir le champ des soutiens scolaires. «Un frère aîné, une marraine ou un voisin peuvent être très aidants. Je connais des parents d’élèves qui se sont rassemblés et encadrent les devoirs en fonction de leurs compétences respectives. Tout ce qui peut aller dans le sens d’un partage dédramatise le côté intimidant de l’apprentissage et profite à l’enfant.»

Le masque n’est pas insurmontable

Oui, mais, justement, le partage n’est pas très covid-compatible… «Si, avec le masque! Contrairement à ce que l’on a pu dire, le masque n’est pas un problème dans l’enseignement ou dans le soutien scolaire. Certes, il demande de verbaliser plus, car une partie des expressions du visage manque à la communication, et il faut parler plus distinctement pour bien se faire comprendre. Mais majoritairement, on s’habitue et son usage permet de continuer à enseigner, à l’exception, bien sûr, de certains élèves à difficultés spécifiques.»

Et les absences alors?

Reste le problème de l’augmentation des absences, des élèves et des enseignants, en raison de l’actuelle flambée du virus. Comment rassurer les parents? «En tout cas, si le congé se prolonge, je conseille de rester prudent par rapport aux méthodes scolaires disponibles sur le Net ou en libraire, car, souvent, les parents prennent des manuels trop difficiles. Par contre, je recommande le visionnement en famille d’émissions scientifiques à la télévision. Elles sont souvent très riches et éduquent tout en divertissant. Le principal est de maintenir la curiosité, le plaisir et la confiance. Avec de tels ingrédients, l’apprentissage scolaire sort toujours gagnant.»