Publicité

Polémique en France autour du délit d'«interruption involontaire de grossesse»

La création de ce nouveau délit, censé punir les chauffards, provoque les craintes des milieux favorables à l'IVG.

Le droit à l'avortement est-il menacé en France? Oui, assurent les partis de gauche, le Planning familial et les associations féministes. Non, rétorquent la droite et le ministre de la Justice, Dominique Perben, qui tente de mettre fin à la polémique.

Vide juridique

A l'origine de ce nouveau débat autour de l'avortement, un vote intervenu à l'Assemblée nationale le 27 novembre: lors de la discussion du projet de lutte contre la grande criminalité, un député de la majorité UMP, Jean-Paul Garraud, fait alors adopter un amendement instituant un délit d'interruption involontaire de grossesse. Cette «IIG», si elle était provoquée «par une maladresse, une imprudence, une inattention, une négligence ou un manquement à une obligation de sécurité» pourrait valoir à son auteur une peine d'un an de prison et une amende de 15 000 euros.

Dans l'esprit de Jean-Paul Garraud, il s'agit de combler un vide juridique afin de punir les responsables d'accidents de la route ayant entraîné la mort de l'enfant porté par une femme enceinte. Il affirme ne pas avoir d'autres arrière-pensées.

Mais les opposants à l'avortement, comme ses partisans, ont bien vu la faille, en s'en réjouissant pour les uns, en la dénonçant pour les autres: la création d'un tel délit revient à reconnaître une existence juridique à l'embryon, ce que la Cour de Cassation, la plus haute instance judiciaire de France, ne reconnaît pas.

La philosophe Elisabeth Badinter voir resurgir là «de vieux démons» et craint que «les intégristes de tous poils» ne s'emparent de l'affaire pour demander la suppression de l'avortement, légalisé en France en 1974.

Le vote de l'amendement Garraud suscite également l'inquiétude des gynécologues-obstétriciens, qui redoutent de se retrouver un jour poursuivis, par exemple après une amniocentèse ayant entraîné une fausse couche.

Ambiguïté

Le gouvernement tente de calmer le jeu. Le ministre de la Justice, Dominique Perben, a reçu mardi des représentants d'associations afin de les rassurer, promettant une «rédaction dépourvue d'ambiguïté.» Mais les opposants à l'amendement «IIG» veulent le retrait pur et simple du texte.

Déjà, au printemps, Jean-Paul Garraud avait fait adopter – dans une indifférence totale – son amendement par l'Assemblée nationale lors de la discussion d'une loi sur la violence routière. Le Sénat l'avait enterré, et le même scénario pourrait se reproduire…