Justyna Wydrzynska, une Polonaise qui a fourni des pilules abortives à une femme enceinte, a été reconnue «coupable d’avoir prêté assistance» à la pratique d’une interruption volontaire de grossesse par un tribunal de Varsovie. Elle s’est vue infliger «huit mois de travaux d’intérêt général à raison de 30 heures par mois», écrit sur Twitter l’organisation Abortion Dream Team, dont elle est l’une des cofondatrices.

«Je ne me sens pas coupable, je n’accepte pas ce jugement», a déclaré Justyna Wydrzynska à la sortie du tribunal. L’activiste a annoncé qu’elle allait faire appel et qu’elle allait continuer à aider les femmes. «Rien n’a changé», a-t-elle ajouté. Les attendus de la décision de justice n’ont pas été rendus publics.

Envoyer un message à la société

«La condamnation d’aujourd’hui constitue un nouveau gouffre dans la répression des droits reproductifs en Pologne: un recul pour lequel les femmes et les jeunes filles – et ceux qui défendent leurs droits – paient un lourd tribut», commente Agnès Callamard, la secrétaire générale d’Amnesty International, dans un communiqué. «Cette affaire crée un dangereux précédent en Pologne, où l’avortement est presque totalement interdit, et donne un aperçu effrayant des conséquences des lois aussi restrictives», poursuit-elle.

Me Anna Bergiel, l’avocate de Justyna Wydrzynska, estime que le tribunal voulait envoyer «un message à la société selon lequel un tel comportement, une telle aide, ne sera pas toléré.» Pour une association de juristes ultracatholiques, «l’accusée, ainsi que tout l’environnement des militants [du droit de pratiquer] l’avortement, fait la promotion de l’avortement, y compris [de] l’avortement pharmacologique, depuis des années, se moquant de la loi en Pologne.»

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«L’arrêt dans l’affaire Justyna Wydrzynska doit donc être considéré comme une étape importante vers le respect réel du droit à la vie des enfants à naître en vigueur en Pologne», insiste Magdalena Majkowska, d’Ordo Iuris, dans un communiqué. L’activiste risquait jusqu’à trois ans de prison pour avoir «fourni une assistance» à cette personne qui souhaitait avorter et «avoir mis sur le marché des médicaments sans autorisation», en vertu de la législation polonaise – une des plus strictes en Europe dans ce domaine.

83,7% du peuple polonais

Selon Natalia Broniarczyk, une militante d’Abortion Dream Team, le procureur a requis une peine moins sévère, «car on est dans une année électorale.» La majorité des Polonais et Polonaises se prononcent désormais en faveur d’une libéralisation de la loi sur l’avortement.

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D’après un sondage réalisé début mars, 83,7% du peuple polonais est favorable à une telle libéralisation. Seules 11,5% des personnes interrogées voudraient maintenir le statut légal actuel. «C’est un jugement absurde et honteux», écrit sur Twitter l’eurodéputé polonais Robert Biedron: «L’Etat polonais a échoué et les fanatiques ont remporté une nouvelle bataille.»

En 2020, une femme dans sa 12e semaine de grossesse et voulant l’interrompre a demandé de l’aide à Justyna Wydrzynska. Auparavant, cette femme voulait se rendre dans une clinique spécialisée dans les IVG en Allemagne, mais son mari l’a empêchée de partir. Alors qu’elle attendait chez elle un colis avec les pilules, celui-ci a appelé la police qui a confisqué le médicament et ouvert une enquête. La femme a fait une fausse couche par la suite.

La Pologne, un pays de tradition catholique, disposait déjà de l’une des lois les plus restrictives d’Europe en matière d’avortements lorsque la Cour constitutionnelle s’est rangée l’an dernier du côté du gouvernement populiste-nationaliste en déclarant les interruptions de grossesse pour malformation fœtale «inconstitutionnelles.» Le collectif Abortion Dream Team estime avoir rendu possibles 44 000 avortements en 2022, soit 107 par jour.