Le tribunal d’application des peines de Saint-Maur, dans l'Indre (centre de la France), devait examiner ce mardi 18 septembre la première demande de liberté conditionnelle de Jean-Claude Romand, condamné à la perpétuité pour le meurtre de sa famille en 1993. L’audience a cependant été reportée.

«L’affaire a été renvoyée à une date ultérieure et ne me demandez pas cette date, parce que je ne l’ai pas», a déclaré Jean-Louis Abad, avocat de Jean-Claude Romand, cité par Le Dauphiné libéré.

Le quotidien Nice Matin est probablement le plus lapidaire: «Le faux docteur Romand demande à sortir de prison après avoir tué parents, femme et enfants». C’est ce lundi que la justice française examine la demande de libération conditionnelle de Jean-Claude Romand, ce faux médecin qui a pendant dix-huit ans fait croire à ses proches qu’il était chercheur à l’OMS, qui a vécu de l’argent emprunté à ses proches sous prétexte de le placer en Suisse, et qui a tué une bonne partie de sa famille au moment où il allait être démasqué. Une affaire folle, hors normes, qui avait notamment inspiré un saisissant L’adversaire au romancier Emmanuel Carrère, adapté au cinéma par Nicole Garcia.

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«Personne n’a oublié ce jour tragique de janvier 1993 à Prévessin-Moëns (Ain), écrit Le Parisien, qui est allé tâter l’ambiance. «On s’est tous fait avoir. Il a bourré le mou à tout le monde», peste un ancien. […] «Qu’est-ce que ça veut dire, qu’on le relâche? Qu’on peut tuer tous les siens, faire 20 ans de prison et ressortir comme ça. Franchement, s’il revenait par là, je préfère pas vous dire quel serait l’accueil…»

Et pourtant. «Le 6 septembre dernier, celui qui a aujourd’hui 64 ans, condamné à perpétuité par la cour d’assises de l’Ain en 1993 (peine assortie d’une période de sûreté de 22 ans), a déposé une demande de remise en liberté conditionnelle, explique Le Progrès, qui consacre un gros dossier à l’affaire. Le juge d’application des peines de Châteauroux aurait dû examiner cette requête ce mardi 18 septembre, mais l'audience a été reportée. Après avoir suivi une formation en informatique puis travaillé à restaurer des archives sonores – lui qui n’avait jamais occupé un emploi de sa vie –, il a dû, pour formuler cette demande, se soumettre à l’examen de psychiatres, passer des semaines dans un centre d’évaluation et présenter un projet de réinsertion.» Quelles chances d’aboutir? «Par expérience, je peux dire que la première demande est souvent refusée, car aux yeux des juges la peine de perpétuité doit garder sa signification», estime Me Jacques Frémion, toujours dans Le Progrès.

Doit-il sortir?

«Jean-Claude Romand a purgé sa peine de sûreté de 22 ans. Il est donc fondé à demander sa libération conditionnelle, rappelle la chaîne de radio RTL. Il a trouvé un logement, a décroché une promesse d’embauche. A la maison centrale de Saint-Maur, où il plaidera lui-même son cas devant les magistrats tout à l’heure, son comportement est irréprochable. Mais doit-il pour autant sortir?»

«Passés ses 22 ans de sûreté, il était libérable depuis 2015, reprend Le Parisien. «Le docteur» a préféré patienter. Le temps, notamment, de mettre toutes les chances de son côté. En prison, au-delà des conseils médicaux qu’il distillait à ses codétenus, il s’est reconverti dans l’informatique. Une entreprise de l’Indre s’est dite prête à l’accueillir. A deux reprises, il a même pu profiter de sorties à Châteauroux, qui lui ont permis de constater qu’en dehors de la détention, il circulait incognito. […] Sur le papier, donc, tous les feux sont au vert. «C’est un cas emblématique, confie une source proche du dossier. Celui d’un détenu qui a pris son destin en main, acteur de sa peine comme de sa fin de peine.»

Toute la question est bien sûr de savoir dans quelle mesure les psychiatres sont capables de bien cerner celui qui a berné son entourage pendant deux décennies. Pas sûr que ce soit simple, selon Sud-Ouest, qui donne la parole à un de ses psys et à son avocat: il est «mythomane, narcissique et criminel». «Les médecins psychiatres présents au procès l’avaient décrit comme un «mythomane atteint d’une pathologie narcissique», mais qui ne souffrait d’aucun trouble neuropsychique susceptible d’atténuer sa responsabilité», note Le Quotidien du médecin. «Il a une exceptionnelle capacité à séduire», analyse sur BFM-TV Daniel Settelen, psychiatre à Lyon qui a fait partie du collège d’experts ayant entendu Romand avant son procès en 1996.

La famille s’oppose

«En demandant sa sortie, il les tue une deuxième fois. C’est un cauchemar», protestent les deux frères de l’épouse assassinée, en posant avec sa photo dans Le Parisien, ou en s’exprimant dans Le Dauphiné libéré. Pour eux, Jean-Claude Romand est capable, une nouvelle fois, de manipuler les juges et les psychiatres qui vont devoir décider de son sort. «Il est très intelligent. Il calcule, manipule tout le temps, expliquent-ils dans Le Parisien […] Il a berné tout le monde, il a menti. Cela fait partie de lui. Pourquoi ne le ferait-il pas encore aujourd’hui? Qui nous dit que pendant les 25 années qu’il a passées en prison, il n’a pas encore donné le change en se présentant comme un détenu modèle, gentil, discret, sans problème?»

Si les médias posent la question de sa libération, sans grande surprise les réseaux sociaux, eux, ont tranché. «Condamné à PERPÉTUITÉ pour 5 assassinats mr Romand à fait 22 ans et peut être libéré on veut que nos enfants apprennent le français PERPÉTUITÉ ==} emprisonnement à vie» enrage sur Twitter Mikiollyon. «Insupportable cette #Justice qui brade les vies prises aux victimes! Insupportable que JC Roman, Allègre, Georges etc puissent un jour demander leur libération», râle aussi sur Twitter une certaine Coraline.