Avant, il y a encore cinq ou dix ans, on n’en parlait pas. La ménopause était à peine un sujet, alors la préménopause… A présent, c’est l’inverse. Impossible d’aller à une soirée de futurs quinquas sans que cette transition soit évoquée. C’est même parfois les hommes qui nous interrogent discrètement sur la part de vérité et de fiction de cette «nouvelle» étape qui prend, visiblement, une place énorme dans le foyer. Car, oui, une femme en préménopause sévère est rarement l’incarnation de la félicité. Elle a souvent le moral à plat, les seins gonflés, une bouée de graisse qui menace au niveau de l’estomac ou des bouffées de chaleur qui la laissent baba. Et on ne parle pas du sommeil qui brille par son intermittence…

Mais est-ce qu’on n’en fait pas un peu trop désormais autour de cette période où les cycles menstruels commencent à danser la java? Est-ce que, encouragées par l’industrie pharmaceutique qui flaire l’aubaine, les femmes dès 45 ans ne se déclarent-elles pas «en pleine préménopause» dès qu’elles se sentent fatiguées ou irritées?

«Je répondrais non et non», tranche Nicolas Vulliemoz, responsable de l’Unité de médecine de la reproduction (UMR) du CHUV, à Lausanne. «Non, les femmes qui ont des symptômes sévères de préménopause ne peuvent pas les inventer. Ce sont des phénomènes très particuliers qui altèrent véritablement la qualité de vie.» «Et non aussi pour les pharmas. Ces industries n’ont pas un grand intérêt économique à créer un effet de mode autour de la préménopause, car les médicaments délivrés à cette occasion, essentiellement des substituts hormonaux, ne représentent pas un gros marché.» En revanche, reconnaît Nicolas Vulliemoz, «les consultations pour la préménopause ont nettement augmenté ces dernières années et c’est une très bonne chose!», se réjouit ce gynécologue qui, une fois diplômé à Lausanne en 2000, est allé parfaire sa formation 
aux Etats-Unis et en Grande-
Bretagne.

Grands bouleversements

«En travaillant dans les pays anglo-saxons, j’ai compris que les femmes parlaient plus facilement de ce qu’elles ressentaient durant cette étape et n’hésitaient pas à se faire aider en cas de problèmes trop lourds. De retour au CHUV, nous avons intensifié le suivi de la préménopause et de la ménopause en offrant non seulement des solutions médicamenteuses, mais aussi un suivi psychologique ouvert également au conjoint, si besoin.»

Car, la préménopause ne vient pas seule. Entre 45 et 50 ans, la femme vit d’autres grands bouleversements. Il arrive que les enfants quittent le foyer, le travail peut être plus stressant, le conjoint connaît lui aussi une phase de redéfinition, la fameuse midlife crisis, sans oublier les parents âgés qui rencontrent souvent de gros problèmes de santé… Autant dire que le yo-yo hormonal avec ses cycles menstruels longs ou courts, ou pas de cycles du tout, ne vient pas aider!

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Justement, au terme préménopause, Isabelle Streuli, homologue genevois de Nicolas Vulliemoz, préfère l’appellation «phase de transition ménopausique» qui résume mieux ces grands changements de vie. La cheffe de l’unité de médecine de la reproduction et d’endocrinologie gynécologique des HUG détaille avec soin le processus physiologique de cette période agitée. Petit à petit, explique-t-elle, les ovaires perdent leurs ovules, ce qui induit une diminution progressive de la fertilité et, plus tard, génère des perturbations de la sécrétion des hormones féminines, l’œstrogène et la progestérone.

Les symptômes varient selon quelle hormone déclare forfait en premier. Si c’est l’œstrogène qui diminue drastiquement, des bouffées de chaleur surviennent de manière arbitraire et transforment le corps de la patiente, du torse à la tête, en serre tropicale. Si c’est la progestérone qui s’éclipse d’abord, la patiente ressent un gonflement des seins, une sensation de ballonnement, une prise de poids, sans avoir ses règles parfois au bout du mois, car c’est la progestérone qui provoque les saignements. Dans les deux cas, ces phénomènes sont plutôt contrariants. «Oui, mais seule une petite proportion de la population féminine, de 20 à 30%, selon nos estimations, souffre de ces symptômes de manière sévère. Les autres comprennent que les choses bougent en elles, mais sans que ces changements ne soient handicapants.»

Réhabiliter les hormones

Que faire lorsque les maux de tête, les montées d’angoisse, la prise de poids ou les bouffées de chaleur menacent la stabilité physique et psychologique de la patiente? «Nous entamons alors un suivi régulier, car la situation évolue sans cesse et nous prescrivons des substituts hormonaux visant à rééquilibrer son bilan», répond Nicolas Vulliemoz. C’est que, stupéfaction, ces symptômes ne cessent pas dès l’arrivée de la ménopause, laquelle est officiellement déclarée après une absence de règles d’une année et survient statistiquement à 51 ans. Non. Les symptômes dus au dérèglement hormonal durent jusqu’à sept ans pour plus de la moitié des femmes! C’est long, sept ans. Même cinq…

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«Oui, c’est pour cela que nous tentons de réhabiliter les hormones, observe Isabelle Streuli. Leur réputation a été très entamée dans les années 2000 en raison d’études américaines qui portaient essentiellement sur des femmes de plus de 60 ans et soulignaient les risques cardio-vasculaires. Si la patiente a moins de 60 ans et si son bilan cardio-vasculaire est bon, il n’y a aucune raison qu’elle ne prenne pas d’hormones pour être soulagée durant cette période mouvementée.»

Plus simplement, les deux spécialistes recommandent de beaucoup bouger. La sédentarité est l’ennemie, disent-ils, car sur le plan du poids comme sur le plan de la perte musculaire et des raideurs articulaires, seul le mouvement peut vraiment aider. «En tous les cas, nous déconseillons vivement un régime strict durant cette période de mutation. Toutes les carences, mais surtout celle du calcium, peuvent être vraiment problématiques», note Isabelle Streuli. On comprend maintenant pourquoi certaines femmes en préménopause en font tout un plat.


A consulter

Aux HUG de Genève: médecine de la reproduction et d’endocrinologie gynécologique, bd de la Cluse 30, 022 372 43 04, www.hug.ch

Au CHUV de Lausanne: unité de médecine de la reproduction (UMR), av. Pierre-Decker 2, 021 314 35 00, www.chuv.ch