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La recette de la semaine. Depuis quand les ours aiment-ils l'ail?

La chronique culinaire de Tristan Cerf.

Vous parlez d'une mauvaise herbe! Ça vous recouvre d'un coup des jardins entiers. Suffit qu'il soit un rien ombragé et humide et plop! plop! plop! à peine les premiers jours de printemps arrivés que les feuilles sortent de terre. Une forte odeur d'ail dans les sous-bois, voilà comment ça commence. C'est d'un fin! On ne dirait pas, comme ça, au premier coup de narine, mais l'ail des ours amène le printemps.

Il y en a plein en ce moment dans les jardinets du sud-ouest de la ville de Zurich, au pied de l'Uetliberg, là où la montagne cache le soleil couchant (cette tare apparente permet aux habitants du «mauvais côté» de la ville d'admirer ce ciel de fin de journée qui transforme les apéros de Wiedikon et du Kreis 2 en grands instants de détente zen… Tandis qu'au même moment, les riches du «bon côté», sur le Züriberg, s'éblouissent encore en bikini.)

Aux premiers jours de printemps

Tout ça pour dire que l'ail des ours pousse durant les premiers jours du printemps et qu'il faut le chercher à l'ombre. Dépêchez-vous, il y en a également à Genève, si l'on sait fouiner. La cueillette de cette liliacée serait dangereuse pour des personnes non expérimentées? Oui, c'est vrai, il y a un ou deux cas de personnes empoisonnées après avoir avalé un pesto de muguet ou Dieu sait quoi d'autre. On risque la mort dans ces cas-là, c'est vrai… et dans des souffrances atroces pour couronner le tout, c'est aussi vrai! Entre nous soit dit: il n'est pas très sorcier de déterminer, au nez, la différence entre le parfum du muguet et celui de l'ail!

Je vous ferai grâce ici de ma recette personnelle, elle est vraiment trop barbare: un truc d'ours mal léché! Je cueille mon ail sauvage dans le jardin du collège d'à côté, à Enge. Il y a là-bas de quoi nourrir un régiment de grizzlis affamés. Comme la feuille, une fois cueillie, ne se conserve pas longtemps, je la consomme de suite, en pesto rapide. Barbare, j'ai dit: dans mon hachoir électrique le plus puissant, je jette une poignée de feuilles d'ail des ours, une demi-gousse d'ail dégermée, trois dés à jouer de parmesan, une giclée de jus de citron, quelques pignons à peine torréfiés et je réduis le tout en purée. Un puriste m'étranglerait en voyant ça, mais ce petit pesto rapide, sur quelques spaghettis, c'est oursement bon!

Un petit avertissement: ne pas espérer faire de galantes rencontres durant les douze heures qui suivent… excepté peut-être quelques gros animaux poilus qui bavent en vous griffant le dos.

Recette de spécialiste

Les galettes qui suivent sont inspirées d'une recette de Stefanie Klein, une des spécialistes les moins contestées en matière d'ail des ours dans toute la partie germanique de l'Europe. Vous verrez, c'est plus raffiné que ma recette. Nous n'avons ajouté qu'une seule chose: le beurre. Cette malheureuse Stefanie Klein n'utilise pratiquement que des graisses végétales. Libre à elle! A servir sur une garniture de légumes printaniers, juste passés à la vapeur, puis au beurre.