Portrait
La journaliste qui a longtemps présenté le téléjournal anime mercredi soir son premier Infrarouge. Une soirée spéciale consacrée à l’homosexualité des jeunes

Elle nous emmène dans l’Atrium bleu, un salon de la tour RTS. Larges fauteuils, douillets canapés et ce décor qui rend hommage aux premières images et aux premiers sons. Caméras du temps passé et ces volumineux postes de radios qui trônaient sur les buffets de nos aïeuls et que l’on regardait comme s’ils étaient dotés eux aussi d’écrans. Romaine Morard aime cet espace dont la couleur va bien à ses yeux.
En 2014, lorsque le week-end elle se retrouvait au beau milieu de son marathon de l’information, elle s’étendait là, seule, la main posée à plat sur Jules, son second fils, encore à l’état de bébé dans son ventre. Gaspard, l’aîné qui a 5 ans, demande souvent aux adultes pour qui ils votent: PDC, PS, Radical, Verts? «Il a eu lui aussi une gestation politique», rigole Romaine.
Mille choses à dire
Souffler, respirer, prendre un peu de recul, se souvenir. Au fond ce rendez-vous avec un confrère fixé tardivement, cet impromptu, lui fait un grand bien. Elle a bien entendu mille et une autres choses à faire mais elle semble avoir posé le doigt sur la touche pause avec soulagement.
Ce mercredi 24 août, à 21h50, elle présente pour la première fois Infrarouge, la grande émission de débats sur RTS UN. David Berger est parti, elle arrive au côté d’Esther Mamarbachi, la productrice et autre présentatrice. «Sa présence me rassure, j’apprends énormément à ses côtés et il y a beaucoup d’estime» dit-elle. Elle en rêvait, elle l’a: «C’est comme une suite logique dans ma carrière, j’aime le débat politique et sociétal, décrypter, interpeller.»
Ces fameux dimanches d’élections
On se souvient d’elle en ces fameux dimanches d’élection en direct du Palais fédéral, commentant, alpaguant des figures connues ou en voie de l’être, les attirant à son micro. On se souvient aussi d’elle le 14 décembre 2011 interviewant le tout nouveau Conseiller fédéral Alain Berset, treize jours avant de mettre au monde le féru de politique Gaspard.
Une accro au journalisme? Oui. Cela lui est venu toute petite. Elle s’endormait l’oreille collée à sa petite radio, s’éveillait avec les premières nouvelles du jour, se rêvait grand reporter des fracas et des beautés du monde. Papa, assureur, maman, très occupée au foyer, ne lui ont pourtant pas transmis le virus de l’info. «Certes la RTS était allumée tout le temps mais il n’y avait pas de grands débats politiques en famille», souligne-t-elle.
Sa belle enfance
Elle parle de belle enfance à Ayent dans le Valais avec parents et petite sœur, de souvenirs doux, de ses bavardages à l’école et des livres de 900 pages qu’elle dévorait. En 2002, études à l’Institut des Hautes études internationales à Genève puis elle décroche un stage au «Temps». Elle fait face au très regretté Daniel Audétat, qui dirige la rubrique régionale. L’homme est exigeant, c’est connu, la petite nouvelle est à peine intimidée et défend bec et ongles ses papiers.
Ces mêmes papiers plairont à Patrick Nussbaum, le chef des actualités à la RSR. Quatre cents personnes postulent à un concours mais c’est elle qui l’emporte. Stage RP à la radio, six mois à Berne avant de devenir la correspondante parlementaire durant deux ans. «Là-bas je me suis frottée à la Suisse, j’ai apprécié la rigueur de notre pays, son équilibre en dépit des spécificités cantonales et des divergences entre Romands et Alémaniques». Elle couvre depuis le Palais fédéral six successions puis veut tourner la page.
Elle assume
On lui confie alors le 12h45 du lundi au vendredi puis ceux du week-end. C’est hautement stressant mais elle assume. Choisir les bons mots, rédiger de bonnes intros, suer sur les infos, être le visage de la chaîne. «Je n’ai jamais été tétanisée, il faut une concentration perpétuelle et avoir tout bien préparé. C’est avant tout le travail d’une équipe», résume-t-elle.
Ce mercredi, pour ses débuts sur le siège d’Infrarouge, la barre a été placée haute. Un film: «Baisers cachés» puis ce débat sur le thème: homosexualité, taboue jusqu’à quand? Au moment de la rentrée scolaire, elle parlera de ces jeunes homosexuels dont un sur cinq fait une tentative de suicide à cause des brimades, des moqueries, des coups, de l’intolérance. Alexandre, 19 ans, a accepté de venir sur le plateau pour témoigner des violences subies, de sa solitude, de la stigmatisation. Quatre autres invités débattront dont Manuel Tornare, le conseiller national socialiste et ancien maire de Genève. Romaine Morard constate que peu d’hommes ou de femmes politiques font leur coming out en Suisse romande contrairement à beaucoup en Suisse alémanique.
Elle prétend ne rien changer à cette émission si installée et qui fonctionne bien. «Ma touche sera ma personnalité, ma façon de poser des questions, d’écouter et d’aller chercher les réponses», dit-elle. Prochains thèmes: l’AVS, la loi sur le renseignement, l’économie verte. La pression est forte mais Romaine est confiante: «Je retrouve le plaisir de parler avec les gens, que ce soit au téléphone ou face à eux pour préparer les émissions. Et puis c’est avant tout un travail d’équipe». Gaspard, de son côté, est enchanté de même que Jules. Maman est plus souvent à la maison que du temps des JT.
Profil
1979 Naissance à Sion
2007 Correspondante parlementaire pour la RSR puis en 2009 pour la TSR
2011 Naissance de Gaspard. Jules viendra 3 ans plus tard.
2011 Présentation du 12h45 puis des téléjournaux du week-end
2016 Ce 24 août, présente pour la première fois «Infrarouge»