Eclairage
En matière de mobilité, l’avancée de la technologie va à la vitesse de la lumière. L’éclairage intelligent réinvente le concept de route

La semaine dernière, le leader mondial en construction des routes annonçait son utilisation prochaine d’un revêtement photovoltaïque. L’entreprise française Colas, présente en Suisse romande, présentait un goudron qui capte l’énergie solaire pour produire du courant, grâce à un raccordement à un bâtiment ou à un réseau de distribution. Aux Pays-Bas, une invention similaire a déjà été testée sur une piste cyclable et une portion de voie nationale rediffusant la lumière du soleil absorbée le jour. Ces nouveaux systèmes d’éclairage sont pensés pour être autonomes, renouvelables, durables et pour fonctionner sans électricité.
Van Gogh à vélo
Au crépuscule, la piste cyclable de Nuenen aux Pays-Bas se transforme en une allée poétique, révélant sur le sol quelques scintillements: bleus et blancs ici, verts là. La nuit tombée, sur huit cents mètres, une lumière à la fois douce et puissante se dégage de la piste, semblant émerger du béton. En toute sécurité, les piétons flottent sur l’arc de lumière; son intensité lumineuse leur permet d’identifier les vélos. Le designer néerlandais Daan Roosegaarde a tiré son œuvre du célèbre tableau de Van Gogh «La nuit étoilée». Et Nuenen n’est autre que la bourgade adoptée par le peintre durant trois ans, avant qu’il ne parte pour la France. Côté technique, les éléments lumineux incrustés dans le béton sont composés d’une résine très résistante dans laquelle ont été injectés des cristaux photoluminescents. Ils absorbent la lumière pendant le jour et la restituent naturellement à la nuit tombante.
La «Smart Highway», ou la route intelligente, est une autre œuvre de Dan Roosegaarde, qui aime se présenter comme un «technopoète». Toujours aux Pays-Bas mais plus au nord, un tronçon de cinq cents mètres d’une route nationale a été balisé au sol d’un marquage lumineux. Cette fois, les particules photoluminescentes sont intégrées à un revêtement qui s’enduit sur la route comme de la peinture. Des lignes vertes indiquent le bord de la route et les voies de circulation. Ces tracés lumineux sont garantis dix ans, ce qui correspond environ au cycle de renouvellement habituel des revêtements routiers du pays. Le marquage intelligent intéresse déjà la Chine et le Canada. Quelles limites offre cet éclairage 100% renouvelable? Bernard Paule est chargé de cours à l’EPFL, il y délivre un atelier intitulé «Espace et lumière: le projet d’éclairage «à des étudiants en architecture. Lorsqu’il entend parler de ces nouvelles technologies, il se montre sceptique. «Un des aspects importants que ces routes intelligentes ont à développer concerne la durée d’émission de leur lumière. Elles doivent pouvoir garantir que l’éclairage ne diminue pas au cœur de la nuit.» Aujourd’hui communément utilisées, les bandes réfléchissantes fabriquées avec des microbilles voient leur effet diminuer avec la saleté et nécessitent un entretien qui serait également indispensable à ces revêtements phosphorescents.
Des véhicules lumineux
Le dernier modèle électrique de Nissan a une allure de luciole. Le constructeur japonais vient de dévoiler une voiture recouverte d’une peinture phosphorescente qui a la capacité de briller dans la nuit: une première dans le monde automobile. Emmagasinant les rayons UV la journée, la peinture, uniquement constituée de matériaux organiques, restitue l’énergie sous forme de lumière à la nuit tombée. Selon la firme nippone, le système de récupération de la lumière permet de faire briller le véhicule durant huit à dix heures. Bernard Paule évoque les problèmes qu’engendre une telle source de lumière permanente. «La présence nocturne anormale ou gênante de lumière entraîne des conséquences encore inconnues sur la faune, la flore, les écosystèmes et même la santé humaine… Demandons-nous si nous voulons vivre au milieu de paysages qui ne connaissent plus de nuit noire!»
Toujours est-il que les innovations lumineuses tendent à augmenter la sécurité routière. Le néerlandais Dan Roosegaarde le promet: bientôt, la route avertira les conducteurs de la présence de verglas sur les routes. Comment? Des flocons dessinés en peinture thermosensible apparaîtront lors d’une certaine baisse de température. Sur ce point, Bernard Paule applaudit. «Des signaux permettant au conducteur d’éviter des obstacles, éclairés juste quand il en a besoin, ça c’est malin!»