RSVP. A la tienne, Etienne?
RSVP
Est-il toujours poli et convivial de «faire santé», voire d'entrechoquer
Est-il toujours poli et convivial de «faire santé», voire d'entrechoquer les verres, avant de boire en société?
Pierre, Genève
Cher Pierre,
Tout d'abord il faut faire la différence entre «faire santé» (c'est-à-dire lever son verre et dire «santé» ou «à la tienne»), et trinquer, c'est-à-dire toucher le verre des convives avec son propre verre.
Et là, d'emblée je peux vous répondre: non, il n'est absolument pas toujours poli ni convivial de trinquer, c'est même parfois incongru, voire grossier. Cela dépend des situations, et, comme souvent, le savoir-vivre se confond ici avec le savoir s'adapter.
D'abord, là encore, la règle absolue de la réciprocité s'applique. J'ai déjà dit à quel point il est fondamental de ne pas faire perdre la face à autrui, de ne jamais refuser le cadeau qu'on vous fait, la main qu'on vous tend. Le verre, c'est le prolongement de cette main. Même s'il faut pour cela se lever ou au contraire quasi se coucher sur la table pour l'atteindre, vous devez répondre à ce don par un don similaire, et trinquer de bonne humeur.
De même, si un convive, ou comme c'est l'usage fréquent en Suisse, la maîtresse de maison, lève son verre et fait santé, il faut absolument répondre à l'unisson, quoi que l'on pense de cet usage. Donc, la réponse est claire, ce qui est «toujours» poli, c'est d'entrer dans le jeu de l'autre, de ne pas lui donner de leçon, de ne pas se distinguer par ce qu'on croit être un raffinement supérieur.
Mais il est vrai qu'en bien des cas, mieux vaut s'abstenir de proposer de trinquer. Quelle que soit son origine (on aurait jadis entrechoqué timbales et gobelets pour s'assurer, en faisant valser le liquide de l'un à l'autre, qu'il n'était pas empoisonné), c'est aujourd'hui une habitude conviviale, amicale, parfois même intime, qui ne convient pas à toutes les circonstances. Il n'est pas toujours poli de manifester trop de proximité, et le savoir-vivre commande aussi d'être capable de marquer la distance adéquate en fonction des circonstances.
On ne trinque jamais avec quelqu'un que l'on ne connaît pas ou à peine, et qui se trouve placé à côté de vous par les hasards du protocole du dîner. De même si quelqu'un porte un toast (c'est-à-dire prononce un petit discours en levant son verre en l'honneur d'une personne ou d'une occasion particulière), on n'est pas du tout obligé d'entrechoquer les verres pendant dix minutes au risque de renverser le vin, casser le cristal et déranger tout le monde en se mélangeant les bras au-dessus de la table!
Je crois qu'on peut résumer les choses ainsi: au moment de l'apéro, ou avant un repas, non, on ne trinque pas, même si on dit «santé» en levant son verre. Par contre, s'il s'agit d'une occasion spéciale (la Saint-Sylvestre à minuit, par exemple), on peut trinquer avec ses voisins, et même faire le tour de la table, en souhaitant la bonne année. S'il s'agit d'un repas en tête à tête, d'un dîner d'amoureux, alors là oui, entrechoquer doucement les verres en se regardant dans les yeux, peut être, si j'ose dire, une jolie façon de... briser la glace!
Chaque jeudi, Sylviane Roche répond à une question de savoir-vivre. Ecrivez-lui: sylviane.roche@letemps.ch