Le Vatican n’a pas tardé à sanctionner le théologien, jugeant son coming out «très grave et irresponsable», à la veille de l’ouverture d’un important synode sur la famille. Quel meilleur moment au contraire pour se faire entendre? obliger l’Église à voir les choses en face? et surtout pour qu’elle cesse «de persécuter des innocents»? Le père Charamsa a parfaitement choisi son timing. Le scandale n’en est que plus grand. «Je suis prêt à en payer les conséquences mais il est temps que l’Église ouvre les yeux sur les croyants gays et comprenne que la solution qu’elle leur propose – l’abstinence totale de toute vie amoureuse – est inhumaine.»
Plus offensif, il a habilement retourné les arguments de ses adversaires: «le clergé est largement homosexuel et aussi, malheureusement, homophobe jusqu’à la paranoïa, car paralysé par le manque d’acceptation pour sa propre orientation sexuelle». Il a aussi évoqué «les paroles de violence de l’Église, qui rappellent les autodafés, le djihad et les croisades». Son coming out remet non seulement en cause la question homosexuelle mais, en revendiquant une vie de couple, le célibat des prêtres. Double embarras.
L’affaire a passionné les réseaux sociaux. Une majorité de messages vont dans le sens du père Charamsa. Parmi eux, trois tendances. La première consiste à saluer l’amour, valeur chrétienne par excellence. Twitter convient bien à l’exercice. On félicite le courage du père gay et on souhaite longue vie aux amoureux. Difficile de développer un argument théologique en 140 signes. C’est l’esprit chaton de Twitter: comme c’est mignon!
La seconde, qui se manifeste essentiellement sur Facebook, apprécie l’obligation faite à l’Église de sortir de son déni, d’accepter une réalité qui ne lui est pas étrangère, de cesser de jouer les équilibristes entre le pécheur qu’il faut accueillir et le péché, qui lui reste impardonnable. Ce sont des appels à la transparence mais aussi à la cohérence morale du catholicisme: en condamnant l’homosexualité, l’Église se range objectivement du côté des États qui criminalisent les gays, les torturent et parfois les tuent. N’est-ce pas le moment de briser ces alliances contre-nature?
La troisième tendance, beaucoup plus anticléricale, se réjouit que soit ainsi mise à jour l’hypocrisie d’une Église qui ne supporte pas que deux êtres consentants puissent s’aimer mais qui s’est montrée indulgente à l’égard des pédophiles, à l’image de ce tweet:
– Père, j’ai péché, je suis amoureux
– D’un enfant? Si c’est ce qui t’inquiète
– Non, d’un homme
– Quoi, mais c’est abominable!
Il serait faux de croire néanmoins que la blogosphère est unanime. Plusieurs internautes s’énervent des commentaires «moralisateurs» des «laïcards» qui s’indignent que l’Église veuille régenter leur vie privée mais qui, eux, ne se gênent pas pour s’immiscer dans les affaires du clergé.
D’autres estiment que la grandeur et la pérennité de l’Église réside justement dans des lois morales qui n’ont pas à se plier à l’époque. Beaucoup reprochent au père Charamsa d’avoir blessé l’Église et de l’avoir trahie pour «son confort personnel». D’autres d’avoir occasionné un scandale qui entache l’Église: «Mon frère prêtre, tu aurais pu partir humblement, dans le silence. Personne ne t’aurait jugé. Pourquoi as-tu besoin de scandaliser?» tweete l’abbé Grosjean. Et un Internaute d’ajouter: pourquoi alimenter l’homophobie? C’est d’une logique implacable: pas d’homosexualité, pas d’homophobie. C’est ce qui s’appelle le culte de la discrétion.