Le scandale du Watergate, la grève des Lip ou une prise d’otages à Stockholm ont animé l’été 1973
Les étés d’avant (2)
Pendant la pause estivale, «Le Temps» réveille les grands événements culturels, politiques, économiques et sportifs qui ont marqué les étés d’avant
Un été 1973
Pendant la pause estivale, «Le Temps» réveille les grands événements culturels, politiques, économiques et sportifs qui ont marqué les étés d’avant
En 1967, un employé à l’Office du tourisme de Montreux nourrit l’ambition d’attirer des jazzmen américains au bout du lac Léman. Montreux n’a ni l’énergie électrique de New York, ni la moiteur qui colle à l’âme du bayou: son climat agréable et son cirque alpin à couper le souffle en font surtout une destination touristique tranquille et prisée. D’où le pari d’y faire converger les dieux de la note bleue… Claude Nobs est pugnace et possède la niaque de ceux qui n’ont rien à perdre. Il tente le coup. Dans ses premières années, son festival se déroule sur trois jours, pile au milieu du mois de juin. En 1973, le calendrier change et le programme s’allonge. Le Montreux Jazz s’installe désormais en juillet. Dans le Journal de Genève, Demètre Ioakimidis salue la qualité du festival. Le critique prédit cependant la fin du free «qui meurt de ses propres excès» tout en déplorant certaines «médiocrités bruyantes» et la longueur des concerts qui peuvent se terminer à 3 ou 4 heures du matin, «ce qui relève de l’aberration». Un bien mauvais augure.
Mais le feuilleton qui passionne la presse romande, c’est celui dont Richard Nixon campe le héros tragique. L’année précédente, deux journalistes du Washington Post ont levé le lièvre du siècle. Bob Woodward et Carl Bernstein ont révélé le scandale du Watergate, une affaire de cambriolage et d’espionnage politique qui implique directement la présidence. Nixon va traverser l’été 1973 à tout nier en bloc et à s’enferrer dans ses dénégations. Le 16 juillet, son directeur de l’administration aérienne confesse en huis clos que Richard Nixon enregistre en douce les conversations dans la Maison-Blanche. Le président prétend vouloir ainsi laisser une trace dans l’Histoire, les enquêteurs y voient surtout la preuve de son implication dans les écoutes illégales du Watergate.
Pendant ce temps, en France, l’été social s’échauffe. En juin, la fabrique horlogère Lip annonce un plan de licenciement et un gel de salaires. Fondé en 1867 par Emmanuel Lipmann, ce fleuron de la mécanique de précision hexagonale souffre de la crise pétrolière et du marché de la montre à quartz, qui se développe aux Etats-Unis et au Japon. Ses ouvrières et ses ouvriers veulent encore y croire. Ils occupent l’usine, qu’ils font tourner en autogestion. Malgré la grève, les Lip, comme on les appelle, poursuivent la fabrication de montres qu’ils écoulent pour leur propre compte lors de ventes sauvages. Le 15 août, la police prend l’usine d’assaut. Elle occupera les lieux jusqu’en février 1974.
Les Lip qui se battent, Michel Sardou qui cartonne. Le chanteur des mamans sort «La Maladie d’amour», qui unit dans son lit les cheveux blonds, les cheveux gris. Le tube sera l’un de ses plus grands succès et la scie incontournable des thés dansants pour les quarante années à venir. L’acteur Bruce Lee, lui, avait mis l’Amérique à ses pieds. La fureur du dragon s’éteint le 20 juillet des suites d’un œdème cérébral. Le 31 août, c’est le western qui pleure: John Ford meurt à Palm Desert, en Californie.Un banal fait divers qui devient un cas d’école étudié dans toutes les facultés de psychiatrie? Le 23 août, Jan-Erik Olsson envisage de braquer la Kreditbanken de Stockholm. L’opération tourne mal. Le gangster retient quatre employés de l’établissement qu’il libère après six jours de négociation. Fin de l’histoire? Pas tout à fait. A leur libération, les otages vont prendre fait et cause pour leur ravisseur qu’ils iront jusqu’à visiter en prison. Les prisonniers amoureux de leur bourreau? Le phénomène était connu, mais le psychiatre Nils Bejerot lui donne un nom: le syndrome de Stockholm.
Les Lip qui se battent, Michel Sardou qui cartonne. Le chanteur des mamans sort «La Maladie d’amour», qui unit dans son lit les cheveux blonds, les cheveux gris