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Cafés psycho au pays des guérisseurs

Un couple de psychothérapeutes récemment installé en Gruyère élargit ses activités en ouvrant un espace de réflexion

Marie-Laure, venue de Neuchâtel, et Sacha, d’origine fribourgeoise, se sont connus à les bancs de l’Université de Lausanne. — © Nicolas Brodard
Marie-Laure, venue de Neuchâtel, et Sacha, d’origine fribourgeoise, se sont connus à les bancs de l’Université de Lausanne. — © Nicolas Brodard

Les plus anciens? Les vénérables sociétés de lecture lémaniques. Le plus récent? Le café psycho proposé par un jeune couple en Gruyère. Chaque semaine de l'été, «Le Temps» présente un de ces salons romands, tous impatients de pouvoir de nouveau causer, débattre et réfléchir à propos de l’état de la Suisse et du monde.

Episodes précédents:

Tout est neuf chez les Roulin. Le bébé, qui vient de naître, l’installation en Gruyère comme psychothérapeutes indépendants, le quartier de Bulle où ils ont installé leur cabinet, le mobilier de l’«espace d’enseignement et d’échange» ouvert pour compléter leur activité principale.

A l’enseigne d’Histoires de soi, ce lieu promet pour les mois qui viennent cafés philo, cafés littéraires psycho, cours, conférences et, sans craindre les mélanges, des dégustations de vins. Jusqu’à il y a peu, les membres de ce couple travaillaient chacun de son côté, l’un à Lausanne, l’autre à Vevey. Sacha, d’origine fribourgeoise, et Marie-Laure, venue de Neuchâtel, se sont connus à l’Université de Lausanne.

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En quête de campagne, et représentatifs de la nouvelle population bulloise, ils décident de quitter les rives lémaniques pour la région où Sacha avait vécu enfant. Après avoir pendulé quelques années, ils font le pas de se mettre à leur compte. Tout en recevant individus, couples et familles pour des consultations classiques, ils profitent des paysages de la verte Gruyère pour offrir aussi une approche thérapeutique par la marche.

Une grue du cru

Mais qu’est-ce qui les a poussés à se lancer, de surcroît, dans des activités plus collectives? C’était surtout l’idée de Sacha, qui a gardé de ses années d’enseignement (au gymnase et à l’Unil) le goût de se confronter à un public. L’ambition, assumée en commun, est de créer en Gruyère un espace propice aux échanges et à la réflexion. «J’aurais été plus frileux à Lausanne, où il y a déjà des offres de ce type», explique-t-il. «Ici, les gens nous le disent, c’est tout à fait nouveau, ajoute Marie-Laure Roulin. Les Gruériens vont encore chez les guérisseurs avant d’aller chez les psys!» Petit signe de ralliement à la région d’accueil, le logo d’Histoires de soi est une grue de Gruyère.

Après un premier café philosophique en novembre, sur le thème de la représentation de soi, le self, les rencontres régulières devaient commencer ce printemps. Un encart publicitaire a paru dans La Liberté quasiment le jour où la Suisse est entrée en semi-confinement. Du coup, tout le programme d’activités a été reporté à la rentrée, avec une conférence de lancement le 3 septembre.

Crise de l’intériorité et crise écologique

Le premier numéro d’un magazine bisannuel, Psychologies en mouvement, dont Sacha et Marie-Laure Roulin ont écrit les textes, n’en a pas moins été lancé en avril et offert à leurs réseaux. Les activités sont ouvertes «à tous les curieux de la vie». Pour les cafés (20 francs par séance et par personne), le thème est donné à l’avance, certains textes et suggestions de lecture envoyés aux participants pour leur préparation. Dans son introduction, l’animateur lance la balle à qui veut bien la reprendre. «Nous sommes des outsiders dans notre démarche, mais le cadre que nous proposons, s’il n’est pas académique, n’en est pas moins rigoureux.»

Un postulat de base sous-tend les thématiques dont le public est invité à débattre: entre la crise de l’intériorité et la crise écologique, il y a des liens profonds. «Notre époque de zapping, où l’on se nourrit d’extériorité immédiate, affaiblit notre expérience de la vie intérieure, posent-ils. Or il est plus difficile de respecter son environnement si on ne se respecte pas soi-même.»

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La récente période de semi-confinement n’a-t-elle pas poussé les Suisses dans le bon sens? Nos psychothérapeutes ne sont pas trop optimistes: «La crise sanitaire ne débouche pas sur une révolution générale, les vieux réflexes reviennent rapidement.»

«Notre espace prend le contrepied de la modernité, conclut Sacha Roulin. Ce que nous proposons, c’est de réfléchir à ce qui nous arrive et nous fait souffrir, en nous-mêmes et dans notre société.» Un beau et vaste programme. Pour l’heure, dans la petite salle qui attend les futurs habitués, le petit Eliott dort à poings fermés.

Programme et tarifs: histoires-de-soi.ch