Je suis grosse
Charivari
En écho à une BD où une jeune dessinatrice romande raconte son surpoids, notre chroniqueuse se souvient des rondeurs de son adolescence et comment elle a minci en changeant de focale

Je suis grosse. Ce n’est pas moi qui dis ça, c’est Marina K., jeune artiste romande qui titre ainsi son récit. «Je suis grosse et même si j’essaie de le cacher, je le vis mal.» Dans un roman graphique qui vient de paraître aux Editions Antipodes, une maison lausannoise, la jeune femme aligne les misères que lui impose son surpoids. Aucune revendication de fat acceptance, ce mouvement made in USA qui défend l’image de l’obésité dans la société. Aucune mention militante de la grossophobie, cette discrimination dont sont victimes les personnes enveloppées. L’ouvrage est cash, malin, teinté d’un humour désespéré.
Avec un dessin efficace, Marina K. explique comment elle est devenue «une poire» de plus de 80 kilos pour 1 mètre 69, comment elle a connu les joies des régimes et du yoyo, comment elle subit les moments humiliants du shopping, de la plage ou des photos. Une lueur d’espoir? Le hockey et le crossfit qu’elle pratique avec passion. «Mais même si j’y vais au minimum trois fois par semaine, je ne suis pas foutue de perdre un gramme sur la balance.» «Je me dégoûte», «ce corps est une prison», «j’étouffe». A intervalles réguliers, un dessin pleine page exprime le côté écrasant de son état.
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Pourquoi parler de cette BD dans une chronique d’opinion? Parce que cette publication contient sa propre solution. «Récemment, je me suis fait la réflexion que lorsqu’on est gros, on pense forcément de manière égocentrique, observe l’autrice. Par exemple, on est persuadé que dans la rue, tout le monde nous regarde, comme si on était le centre du monde.» Cette observation, illustrée par une Marina-sphère plantée au centre d’un globe terrestre, touche la cible en plein cœur. Tellement, d’ailleurs, que l’artiste reprend cette découverte en quatrième de couverture:
Sortir de soi. Sortir de l’image qu’on a de soi. Sortir tout court, bouger et profiter des joies du jour. Ne plus faire de la nourriture un sujet. Ouvrir le champ des possibles et savourer une journée, une semaine, un mois passés sans penser à manger… J’ai été une adolescente ronde, je sais ce que la nourriture rempart veut dire. Protection, cocon, prison. Bien sûr que le surpoids est un problème de société. Entre la malbouffe et les injonctions à la minceur qui virent à l’obsession, les personnes fortes sont victimes d’un complot qui les dépasse.
Mais, paradoxalement, je ne pense pas que la solution réside dans la prise en charge du problème. Je crois au contraire qu’elle tient dans l’abandon du sujet et le changement radical de focale. C’est en oubliant totalement les histoires de poids, de régime et de balance, que j’ai minci. S’alléger en pensée avant de s’alléger pour de vrai. Aucune privation, juste une nouvelle orientation. Vous n’y croyez pas? Essayez!