Un jour, une idée
En matière de ressources numériques originales, la pièce musicale la plus ancienne du monde est disponible en ligne

Spectacles et concerts commencent à nous manquer terriblement. Nous obtempérons en nous plongeant dans la culture en mode numérique, en premier lieu pour profiter de manifestations qui ne peuvent avoir lieu sous leur forme habituelle et qui font un effort pour s’adapter à la situation. Mais parfois le virtuel donne aussi l’occasion d’apprécier des curiosités inaccessibles physiquement, comme la plus ancienne chanson du monde, composée 1400 ans avant J.-C.
Ces notes étaient gravées sur des tablettes d’argile découvertes au début des années 50 par un groupe d’archéologues français dans la ville d’Ugarit, en Syrie. La chercheuse Anne Draffkorn Kilmer, du Musée d’anthropologie Phoebe A. Hearst de Berkeley, a mis une quinzaine d’années pour les déchiffrer et aboutir à une première publication en 1972.
Pour les musicologues, cette découverte pourrait révéler l’existence d’une échelle diatonique à sept notes, semblable à celle d’aujourd’hui. Sur les 36 partitions, une seule est arrivée jusqu’à nous, elle est composée d’un texte, dans la partie supérieure de la tablette, suivi d’une série de numéros ainsi que d’indications techniques destinées à un instrument à cordes ressemblant probablement à une lyre.
Le morceau, nommé «H6» par les chercheurs, est un hymne sacré hourrite (voir ci-dessus), plus précisément une invocation à Nikkal, déesse du verger et femme du dieu de la lune, Yarich. Le texte se laisse aisément interpréter comme une prière de fécondité, tandis que la lecture des notes et du tempo est encore sujette à différentes interprétations.
Michael Levy, musicien et compositeur pour lyre, s’est prêté au jeu aux côtés des musicologues: «J’ai basé mon interprétation sur l’étude du Dr Richard Dumbrill, qui se révèle la plus mélodique. J’en ai fait une version live, qui a eu un beau de succès sur YouTube, où les sons de la lyre sont proches de la sonorité d’une guitare. J’en ai également enregistré une autre en utilisant un modèle de lyre très proche de celles utilisées à l’époque des hymnes hourrites. On peut l’écouter sur mon dernier album, Echoes of Ancient Mesopotamia & Canaan.»
Au final, une chose est sûre, il n’est pas nécessaire d’être musicologue pour ressentir un frisson en écoutant une chanson vieille de plusieurs millénaires.
Retrouvez tous les articles de la rubrique «Un jour, une idée»