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Les scientifiques ouvrent leurs bras aux ondes gravitationnelles prédites par Einstein

Trois observatoires très sophistiqués ont commencé cette année les derniers réglages de leurs instruments de mesure dans le but de confirmer une prédiction de la théorie de la relativité générale, datant de 1916.

La gravité, la plus familière des forces fondamentales en physique, est aussi la plus mystérieuse. Depuis le début de cette année, trois observatoires – deux aux Etats-Unis et un en Allemagne – dédiés à la détection d'«ondes gravitationnelles» sont entrés dans leur phase finale de réglage de leurs instruments. Les deux LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) américains, l'un situé en Louisiane et l'autre dans l'Etat de Washington, et le GEO600, situé près de Hanovre, sont des engins imposants et d'une extrême précision, capables en principe de mesurer des variations de longueur de la taille d'un atome. L'affinage et l'alignement des instruments de mesure prendront au moins une année. Quand les appareils seront enfin opérationnels, en 2003 si tout va bien, les chercheurs espèrent obtenir grâce à eux la confirmation d'une prédiction faite en 1916 à partir de la théorie de la relativité générale d'Albert Einstein.

Selon cette théorie, l'Univers est un monde à quatre dimensions – c'est-à-dire les trois dimensions spatiales auxquelles il faut rajouter le temps – dans lequel la masse et l'énergie sont en fin de compte la même chose. La présence d'importantes quantités de masses aurait pour effet de «courber» localement cet espace. Le chemin le plus court entre deux points n'est alors plus une droite, mais une trajectoire déformée. L'image la plus parlante pour rendre ce concept un temps soit peu intelligible est encore celle de la boule de pétanque posée sur un drap tendu. Le tissu est incurvé à l'endroit ou repose la masse. Si l'on imagine un rayon lumineux contraint de suivre la surface, sa trajectoire sera forcément incurvée au moment de passer près de la boule. Même chose pour une bille roulant sur le drap qui, si elle passe trop près, risque de «tomber dans le trou». C'est cette courbure de l'espace qui nous colle à la Terre, qui fait tourner notre planète autour du soleil, bref, qui se manifeste dans la vie quotidienne par la gravité.

Les ondes gravitationnelles, d'après cette théorie, seraient quant à elles provoquées par l'accélération brutale de masses très importantes. Lors de la collision de deux trous noirs, par exemple, ou de l'explosion d'une supernova, la géométrie de l'espace environnant s'en trouve perturbée, entraînant la création de ces ondes, un peu comme une pierre créant les ronds lorsqu'elle tombe dans l'eau.

Sur Terre, les physiciens ont imaginé un appareil capable de détecter ces hypothétiques ondes venues de loin. A quelques détails près, les détecteurs actuels sont tous construits selon le même principe. Il s'agit de deux bras perpendiculaires très longs – les LIGO mesurent 4 kilomètres – dans lesquels circule un rayon laser. Si une onde gravitationnelle traverse l'appareil, il aura comme effet de perturber très légèrement les quatre dimensions de l'espace. En d'autres termes, la longueur des bras du détecteur va varier. Et quand l'un se rallonge un petit peu, l'autre se raccourcira, si l'on en croit les équations obtenues en 1916.

Ces variations de distances seront infimes. Mais, grâce à un jeu de miroirs ultraprécis et à la technique d'interférométrie, il devrait être possible de mesurer des allongements de l'ordre d'un atome sur plusieurs centaines de mètres. «Le gros problème pour l'instant est le bruit de fond, explique Daniel

Enard, directeur technique de VIRGO, l'homologue franco-italien des LIGO et du GEO600, actuellement en construction près de Pise. Il existe un grand nombre de signaux parasites. Les chercheurs doivent les identifier et les minimiser au maximum afin d'avoir une chance de mesurer un jour les signaux créés par une onde gravitationnelle.»

Si ces détecteurs sont en principe capables de détecter une onde gravitationnelle, ils ne pourront cependant pas déterminer d'où elle provient. Ils mesureront en fait l'ensemble des signaux venus de toutes les directions à la fois. La seule manière de localiser une source sera de mettre en réseau au moins trois de ces appareils et de tirer profit d'un infime décalage dans le temps entre les trois mesures. Ainsi, par triangulation, les chercheurs pourront retrouver l'origine d'une onde gravitationnelle dans l'espace. Avec le quatrième larron, VIRGO, qui devrait être opérationnel en 2003 également, cette détermination sera d'autant plus précise. Le Japon, qui possède déjà un prototype, et l'Australie ont, eux aussi, l'intention de construire des appareils semblables.