Santé
Inauguré au mois de novembre dernier, FertiGenève est un partenariat public-privé entre les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et différentes structures privées spécialisées dans la reproduction. Son objectif: améliorer la prise en charge de couples suisses en mal d’enfant

L’initiative est unique en Suisse: «C’est une première, inspirée de ce qui se fait à l’étranger, notamment aux Etats-Unis», affirme Isabelle Streuli, médecin gynécologue spécialisée en médecine de reproduction aux Hôpitaux universitaires de Genève. Pour faciliter les démarches en matière de procréation médicalement assistée (PMA), «l’idée d’une collaboration entre public et privé, entre les HUG et la Clinique Générale-Beaulieu, est née sous l’impulsion des médecins des deux secteurs», précise le Dr Nicole Fournet Irion, médecin gynécologue spécialisée en médecine de reproduction et endocrinologie gynécologique, représentante des médecins privés de FertiGenève. L’objectif: «Etre plus performants ensemble, suite aux évolutions permises par la nouvelle loi sur la PMA de 2017.»
Depuis septembre 2017 en effet, une nouvelle législation sur la procréation médicalement assistée (PMA) est entrée en vigueur en Suisse. Cette nouvelle loi permet désormais – entre autres – la culture de plus de trois embryons (jusqu’à 12) ainsi que leur congélation. L’occasion pour les acteurs de ce secteur de revoir et de réorganiser leur manière de fonctionner.
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Nouveaux défis
Cet élargissement du champ des possibles motive chacune des parties à collaborer. Depuis 2015 déjà, les HUG travaillent avec le laboratoire de Suisse romande Fertas. En 2019, une collaboration débute entre les trois parties, en permettant à la Clinique Générale-Beaulieu de rejoindre le duo. Les trois entités travaillent ensemble depuis un an lorsque en novembre 2019 elles officialisent leur union sous le nom de FertiGenève. «Les HUG nous apportent la caution académique par le volet recherche qu’ils peuvent promouvoir. De notre côté, notre situation financière ainsi que le volume de notre patientèle nous permettent d’investir dans le matériel nécessaire pour répondre aux évolutions de la loi», indique le Dr Fournet Irion.
Cela passe par exemple par l’acquisition d’embryoscopes, coûteux appareils permettant de filmer en continu le développement des embryons pour connaître leur stade de développement, sans avoir besoin de les sortir de leur milieu pour les observer au microscope. Pour les HUG comme pour la Clinique Générale-Beaulieu, c’est une collaboration gagnant-gagnant. «Sans oublier qu’en mutualisant nos moyens, nous pouvons offrir le meilleur de la médecine de reproduction à nos patients», ajoute le Dr Streuli. En effet, FertiGenève inclut des médecins spécialisés dans différents domaines, comme l’urologie ou la génétique et propose, comme la loi le demande, un soutien psychologique aux patients par le biais de médecins psychiatres et de psychologues.
Une collaboration saluée par le Dr Nicolas Vulliemoz, médecin responsable de l’unité de médecine de la fertilité et d’endocrinologie gynécologique au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et par ailleurs membre de la Société suisse de médecine de la reproduction, pour qui «toutes les nouvelles solutions qui tendent à améliorer la sécurité et la qualité des soins aux patients sont des initiatives positives, qu’il faut encourager».
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Processus long et coûteux
«Au-delà du fait de devenir un centre de référence en matière d’infertilité, le fait de travailler ensemble nous permet de standardiser nos pratiques et nous permettra de réaliser des statistiques», précise le Dr Isabelle Streuli. Une manière de se rendre compte de l’efficacité des traitements délivrés, notamment sur la fécondation in vitro, qui reste l’acte médical ayant le plus de chances d’aboutir à une grossesse: entre 30 et 50% des cas selon l’âge de la patiente. D’après l’Office fédéral de la statistique, «en 2017 en Suisse, 5834 femmes en ont bénéficié, 44% d’entre elles sont tombées enceintes et 3/4 de ces grossesses ont été menés à terme». Si une fécondation in vitro est recommandée, le protocole sera planifié dans le temps par le gynécologue et le couple, qui entre alors dans un processus assez long et coûteux. Une FIV coûte en moyenne 7000 francs et n’est pas prise en charge par l’assurance maladie. Un processus durera au minimum un mois pour peut-être entamer une grossesse. Pas question pour autant de baisser les coûts, pour le Dr Isabelle Streuli. «A terme, il faudrait plutôt faire évoluer la société suisse sur le remboursement de la FIV», estime la spécialiste. Un parcours long et coûteux, donc, et sans garantie de résultat.
Sophie*, 34 ans, est aujourd’hui maman de deux petites filles. «Une MST (maladie sexuellement transmissible) a provoqué mon infertilité. Je l’ai appris par les examens réalisés avant ma FIV, c’était en octobre 2015. Avec mon mari, grâce aux économies que nous avions, nous avons décidé de tenter une FIV au mois de juin 2016. Je suis finalement tombée enceinte et ma fille est née en mars 2017.» En décembre, le couple tente de nouveau sa chance mais Sophie fait une grossesse extra-utérine. En avril 2018, la jeune femme essaie un processus de stimulation ovarienne mais choisit finalement de ne pas se faire implanter, n’étant psychologiquement pas prête. Elle préfère faire congeler ces embryons et tenter une implantation plus tard, avec succès: sa seconde fille naîtra en 2019.
Dons interdits
Après ces deux expériences éprouvantes, Sophie et son conjoint ne veulent plus d’enfants. «La seule question qui restait alors en suspens était le devenir des embryons congelés restants: moyennant une taxe, ils pouvaient être conservés pendant cinq ans, renouvelables une fois (donc dix ans au total) pour une éventuelle future grossesse, ou détruits. Nous avons décidé, après mûre réflexion avec mon conjoint, de les détruire», indique Sophie. En effet en Suisse, le don d’embryons, tout comme celui des ovocytes, est interdit. Seul le don de sperme est autorisé. Une législation qu’il serait bon de faire évoluer, selon le Dr Vulliemoz: «Concernant le don d’embryons, c’est plus compliqué, en revanche je suis favorable à la légalisation du don d’ovocytes, qui doit être placé au même titre que le don de sperme.» Un avis que ne partage pas le Dr Fournet Irion. «D’après mon expérience, choisir un donneur est toujours un second choix, pour une femme. A mon sens, il vaut mieux sensibiliser les femmes sur la congélation de leurs propres ovocytes afin qu’elles puissent garder la possibilité d’enfanter un peu plus tard.»
Ecouter l’épisode du podcast Brise Glace: